2016 2h02 De Bruno Dumont Inclassable farce Avec Fabrice Luchini Juliette Binoche Valeria Bruni Teleschi
Et les géniaux non-pros Brandon et Thierry Lavieville
peau de banane du cinéma muet (avec un Laurel éléphantesque), d’Hara Kiri qui veut tout passer à la moulinette, de Genet et ses bonnes rêvant d’exterminer les gentils maîtres. On pense à des tas d’influences : au pince sans rire de Tati, à la liberté en balivernes de la famille Addams, aux laideurs felliniennes, le tout avec une surdose d’absurde au n+1-ième degré genre Monty Python… Moquerie au long cours de toute expression signifiante : les mots sont des borborygmes, les expressions désarticulées, et les phrases se dégonflent, creuses comme des bulles. Si un instant le film parait vouloir asséner une sentence ou un avis, illico son propos est torpillé par une phénoménale déconnade. Le clairon du colonel sonne asthmatique et le curé débite dans son sermon de religieuses insignifiances, au mieux recommande aux marins si fidèles de p(ê)écher morues et maquereaux. Clergé, armée, police, bourgeoisie et prolos, tout le monde en prend pour son tout petit grade. Les riches d’abord : afin de ne pas perdre une pièce de leurs sous industrieux, ils pratiquent un inceste vague et s’auto-reproduisent. Les pauvres, eux, vivent un cannibalisme tranquille.
Les uns ont la morale tatillonne juste sur la préséance dans la découpe du gigot, les autres se partagent gentiment les délicieux morceaux sanguinolents des premiers. Seul le couple Ma Loute-Billie camoufle quelques beaux restes d’humanité, tout en soulevant une question centrale : le bel androgyne a-t-il ou non des couilles ? On ne le(s) verra pas. Tout au long du film l’image du no man’s land est superbe, renforçant la perception réaliste de l’insensé. Comme ce plan saturé de couleurs du cyclopéen Dupont en melon noir poursuivant la belle ombrelle évaporée sur la plage déserte. Les acteurs, pros ou pas, sont tous inénarrables, figurant bien le drame burlesque de notre insondable humanité. À la fin, le gros flic Machin s’envole en lévitation. Comme moi qui ai plané tout au long de la séance. Vive l’audace créative. Vive la folie. (Pardon d’avance à ceux, très peu nombreux j’espère, qui convaincus par cette critique dithyrambique vont courir voir le film et s’y ennuieront mortellement)