Produite par la National Gallery of Art (Washington), l’exposition itinérante est installée au Jeu de paume à Paris.
Sally Mann est née en 1951 à Lexington, en Virginie, état qu'elle n'a guère quitté.
Ce Sud des Etats-Unis a façonné l'œuvre de la photographe. Cela donne une forte unité de lieu aux images de l'expo pourtant structurée en cinq sections très différentes :« Famille», «La terre», «L’ultime et pleine mesure», «Demeure avec moi», «Ce qui reste».
Famille
Sally Mann photographie ses trois enfants, leur vie libre dans cette campagne préservée : de fragiles petits sauvageons comblés par leur exploration de la Nature.
De façon presque contradictoire, leur mère organise minutieusement les prises, faisant poser les enfants devant une chambre photo de 8 sur 10 pouces. Ils sont beaux, le paysage magnifique, les clichés superbes.
La terre - L’ultime et pleine mesure
L’exposition se poursuit par des photographies des paysages du Sud, Sally Mann cherchant à capter ce qu'elle appelle sa "lumière radicale". Elle explore les stigmates des massacres de la guerre de sécession. « La terre s’en souvient-elle ? […] Y a-t-il une présence lumineuse de la mort dans ces champs de bataille si placides aujourd’hui, ces lieux où le temps s’est figé ? ». Les images sont austères, désolées, oniriques, comme issues d'un sombre mirage. C'est que la photographe fait appel à des objectifs anciens imparfaits et utilise des plaques au collodion humide.
Ce procédé laisse sur les images une sorte de peau épaisse constellée de poussières et de rayures : des clichés empreints d'un hasard que la photographe accueille comme partie intégrante de l'œuvre.
Elle dit « prier l’ange de l’incertitude » (en référence à Proust, qui, enfant à Combray, était quant à lui rassuré par « le bon ange de la certitude »). Demeure avec moi
Dans cette section Sally Mann explore le paysage racial de la Virginie : lieux ayant accueilli des esclaves en fuite, églises afro-américaines (présentées en une sorte de typologie),
portraits de «Gee-Gee» Carter, femme noire qui demeura cinquante ans au service des parents de Sally Mann et qui fut sa Nounou.
Ce qui reste
Dans la dernière partie, l’exposition revient à son point de départ en se focalisant sur Sally Mann et sa famille pour traiter du temps qui passe, de la mort.
La fascination persistante de la photographe pour les dégradations, notamment corporelles, est manifeste dans une série de portraits fantomatiques de ses enfants grandis et dans des photographies intimes montrant en détail la transformation physique de son mari atteint d'une maladie dégénérative.
Un abus du collodion ?
Peut-être l'utilisation du procédé ancien est-elle trop systématique… Certes, les imperfections hasardeuses que le collodion laisse sur l'image sont une métaphore très signifiante puisqu'il s'agit pour l'artiste de transposer sur ses clichés les vicissitudes de l'histoire, d'imprimer sur eux des empreintes de certains accidents de la vie. Mais cela finit par être ressenti comme répétitif car trop invariablement appliqué à des sujets divers, presque une routine.