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jeudi 20 décembre 2018

Giacometti et Chafes, le rugueux et le lisse

À la Fondation Calouste Gulbenkian, à Paris, s'est achevée (déc. 2018) une exposition réunissant des œuvres d'Alberto Giacometti et du sculpteur portugais Rui Chafes. 
Chafes est contemporain, né en 1966 à Lisbonne, année de la mort de Giacometti.

Gris, vide, cris


C'était l'intitulé de l'expo, trois mots tirés d’un vers de Giacometti. Étonnante rencontre entre les œuvres de ces deux artistes que l’espace, le temps et la forme même de leurs sculptures a priori séparent.


Des œuvres conçues spécialement pour l'expo


Mais plus encore qu'une rencontre, qui impliquerait des analogies formelles ou un esprit de filiation, il s'agit d'une connexion, d'une soudure d'une œuvre à l'autre. Il est ici question d'une active recherche de résonance menée par Rui Chafes envers son aîné. Parce qu'en effet, fait rarissime, Rui Chafes a conçu et forgé six sculptures spécialement pour le projet. 

C'est la commissaire de l'exposition, Helena de Freitas, qui a tout mis sur pied et ainsi permis à Rui Chafes de "transporter sa flamme", dans tous les sens du terme, dans l'intimité de Giacometti.

Les mots


Dans le catalogue de l'expo, est publié un glossaire d'une vingtaine de mots. Ce vocabulaire a été choisi par Helena de Freitas dans les écrits des sculpteurs pour exprimer et élucider leur démarche. 
Le vide, la nuit, l'ascension et la chute, la verticalité, la solitude, le masque, la transcendance… 
Toutes les formes et les thèmes exposés dans les œuvres. 
Ce glossaire est présenté ci-dessous dans des tableaux successifs, avec de courts extraits de déclarations de Rui Chafes à diverses occasions, et une traduction libre en langue française.

Oser s’aventurer à l'intérieur d'une sculpture


Le visiteur hésite… Peut-il pénétrer dans ce couloir à l'obscurité totale ? A l'intérieur de cette grande oeuvre de Chafes ? Encouragé par un gardien, il ose avancer, seul. La marche est totalement aveugle. Pour s'assurer, il pose une main sur une paroi de cet étrange couloir, sent qu'elle est en métal, un fer lisse et plat, et il comprend que tout a été couvert d'une peinture noire mate. En frappant du doigt comme à une porte, la paroi répond d'un son métallique… Ce vide donne une impression de mort. Quelques pas plus loin, de petits ronds de lumière l'attirent, ainsi que d'étroits rectangles, des meurtrières à peine éclairées, comme des blessures. Approchant l'œil, le visiteur découvre des œuvres de Giacometti enchâssées dans l'imposant montage de Chafes. Minuscules sculptures, objets fragiles, ainsi mis en valeur à l'intérieur de sa grande installation. « Des œuvres à la limite de l’existence ». Le visiteur esseulé, ainsi cloîtré par la nuit et le silence, peut concentrer sur elles son regard, sa pensée, toute son émotion.



dimanche 25 novembre 2018

Les Contes cruels, de Paula Rego

Les Contes cruels de Paula Rego sont exposés au Musée de l'Orangerie, jardin des Tuileries, place de la Concorde. Jusqu'au 14 janvier 2019.

Les contes cruels


Qui ne se souvient de ses angoisses d'enfant, après qu'un parent nous a lu telle ou telle cruelle histoire mettant en scène une fée empoisonneuse ou un terrible loup. Qui n'a pas encore sur la rétine d'épouvantables images d'ogres et de démons figurant sur un livre de contes alors posé sur les genoux. Passant d'un tableau à l'autre dans les couloirs de l'Orangerie, ces anxiétés-là, fixées en nous depuis l'enfance, se raniment. Comme dans un mauvais songe. 

C'est que, malgré ses 83 ans, Paula Rego se dit « toujours une petite fille ». Elle déclare au Telegraph en 2016 : « Je suis la même aujourd’hui qu’alors. C’est idiot d’être si âgée et toujours si effrayée. »

Frissonner du Mal, et s'en régaler…


Manifestement, Paula Rego se régale de figurer ces frayeurs. Ce qu'elle nous sert dans ses toiles de prétendument enfantin n'a plus rien d'infantile. Parce que notre conscience de grande personne sait que le loup affamé et la goutte de sang sont des métaphores. Parce qu'adultes tout empreints de ces lointaines épouvantes, nous ressentons avec d'autant plus de force dans les œuvres de Paula Rego les doubles significations de ses bestiaires fantasmagoriques et de ses postures gaillardes. 

Dans La Petite Meurtrière (1987), une fillette s'apprête à étrangler en douce un(e) inconnu(e) avec un joli ruban. En moins explicitement sexué, il y a là quelque chose de Balthus.
La Petite Meurtrière
 

Cruauté et perversion s'enduisent de noir dans la série de gravures des Nursey Rhymes
Nursey Rhymes

Avant qu'on ne la détaille, l'image de War (2003) semble sortie d'un livre de légendes pour

lundi 19 novembre 2018

Expo au Jeu de Paume : Dorothea Lange

Au Jeu de Paume à Paris, l'œuvre photographique de Dorothea Lange ( 1895-1965 ) est exposée jusqu'au 27 janvier 2019.


Dorothea Lange et la photo document


Lange étudie la photographie à la Clarence H. White School de New York. 

Observant dans les rues de San Francisco les chômeurs sans-abri, influencée par ses contacts fréquents avec le groupe f / 64 ( * ), elle s'intéresse vite à la photo documentaire. Elle quitte alors son studio pour photographier les conditions dans lesquelles vivent les populations les plus atteintes par la grande dépression des années 1930. 

Son travail novateur suscite l’attention de P.S. Taylor, professeur d’économie à Berkeley. Taylor va utiliser les photographies de Lange pour illustrer ses articles, avant que les deux ne travaillent ensemble à partir de 1935 au profit des agences instituées dans le cadre du New Deal.
Lange va fournir un nombre considérable de photos (130 000 négatifs) à la Farm Security

mardi 6 novembre 2018

Connaissez-vous Reine Paradis ?

Après Miami, la photographe française expose à Paris du 8 novembre au 19 Décembre , Galerie Catherine et André Hug 40, rue de Seine / 2, rue de l’Echaudé 


Un surréalisme pop 


Reine Paradis réalise des photographies narratives en se mettant en scène dans un paysage très surréaliste. Construites dans de nombreux lieux à travers l’Amérique, toutes les scènes sont imaginées et conceptualisées avant d’être shootées dans des endroits réels.
Série Midnight : THE TOWER 6 

Reine Paradis présente des séries d'une grande homogénéité, par les mises en scène, mais aussi par les couleurs psychédéliques, évoquant l'art pop des années 60 et 70, et tout l'univers californien. Chaque série a sa propre couleur de contrepoint clé (orange profond aveuglant, chaux saturée, pourpre foncé), le bleu étant la constante.


Série Midnight : ELEFANTO6

Un peu de Gilbert Garçin


Par certains aspects cela évoque Gilbert Garçin : voyages introspectifs et symboliques où chaque auteur évolue dans un monde très personnel construit d'accessoires,

lundi 5 novembre 2018

La World Press Photo expose...

À Madrid s'achève l'exposition 2018 de la World Press Photo. En sont montrées ici quelques images. L'expo, qui circule à travers le monde, sera présentée à Paris du 3 Novembre au 2 Décembre 2018 à la Galleria Carla Sozzani, 22 rue Marx Dormoy.

Adam Ferguson
Nigéria. Après avoir été kidnappée par Boko Haram, la jeune fille de 14 ans  s'est vu confier une mission d'attentat-suicide, mais a réussi à s'échapper et à trouver de l'aide.
Une magnifique série de portraits de ces jeunes otages à voir ici

Connecter le monde aux histoires qui comptent.

World Press Photo est une plate-forme mondiale à but non lucratif reliant les professionnels et les publics via un journalisme visuel et des récits de confiance.
Dès 1955, un groupe de photographes néerlandais organisait le concours international dénommé «World Press Photo» afin de présenter leurs travaux à un public international. Depuis lors, le concours est devenu un des concours de reportage photographique les plus prestigieux. Grâce à un programme d’expositions à travers le monde sont présentées les "histoires" gagnantes à des millions de personnes.

Kevin Frayer
Une réfugiée Rohingya arrive au Bangladesh. 

Kevin Frayer
Les attaques contre les villages musulmans Rohingya ont conduit des centaines de milliers de réfugiés à fuir au Bangladesh 

Certaines des photos primées par le passé sont devenues emblématiques - une fille nue qui courait après une attaque au napalm au Vietnam; un moine bouddhiste s'immolant par le

lundi 29 octobre 2018

La Méditerranée à Madrid…

El Clot dels Frares , Joaquim Sunyer
À Madrid, la fondation MAPFRE expose El Mediterráneo


Des dizaines de toiles de grands maîtres pour nous transporter au bord de notre Mare Nostrum, sur les rivages de cette mer qui a engendré toutes les lumières de notre civilisation.
La découvrant toile après toile, nous ressentons la Méditerranée comme liquide amniotique, source de ferveur, nature nourricière… Tant de multiples richesses… Elle et son Soleil, inséparable partenaire, une flamme.
Paysagesméditerranéens, Othon Friesz

"Méditerranée. Le rien se mêle au rien, aux vauriens, la mer est si bleue qu'elle en paraît noire sous le soleil qui tape, avec des fonds où la lumière, d'une sourde transparence, gris-bleu ou gris-vert, ou presque rose, ne cesse de changer comme la gorge du pigeon."
Les Dieux habitent toujours à l'adresse indiquée, Patrick Reumaux

Paysages méditerranées , André Derain

Telle un lit d'amour…

Couple à la plage, Josep de Togores

Baño en la playa, Joaquin Sorolla
"La Méditerranée a une couleur comme les maquereaux, c'est-à-dire changeante, on ne sait pas

dimanche 14 octobre 2018

La photographie d 'Helena Almeida

Née en 1934 à Lisbonne, la photographe plasticienne Helena Almeida, que le public avait pu découvrir au Jeu de Paume en 2016, est décédée fin septembre 2018.
Fille de sculpteur, pour qui elle posait, elle avait étudié les Beaux-arts à l'Université de Lisbonne et passé trois ans à Paris dans les années 60. Elle avait mis le corps, son propre corps, au centre de son œuvre.

Des photographies marquées de peinture

De larges aplats d'encre ou de peinture bleue, un bleu Klein, signent d'une manière très personnelle ses grands formats en noir et blanc.
On peut se demander pourquoi Helena Almeida a ainsi marqué ses photos… Sans doute du fait de son histoire personnelle avec les deux arts, puisqu'un beau jour, en contemplant un monochrome de Lucio Fontana lacéré au cutter, elle décide de passer de la peinture à la

lundi 24 septembre 2018

Expo "Caravage à Rome, amis et ennemis"


Du 21 septembre au 28 janvier 2019 au musée Jacquemart-André à Paris.

Né en 1571, Michelangelo Merisi, dit Caravaggio, va révolutionner la peinture italienne du XVIIe siècle. Dix de ses chefs-d'œuvre sont réunis ici.
Le Jeune St Jean-Baptiste au bélier (1602), Capitole, Rome
Sont aussi exposées de nombreuses toiles de ses concurrents, et sont évoqués ses soutiens et ses rivaux dans la Rome artistique de l'époque.

Pourquoi ce goût du clair-obscur ?

Sans vouloir "romantiser" le peintre, en faire un être maudit, un révolté dont l'image plait à notre époque ( Source ), Caravage – les rapports de police le prouvent – avait le sang chaud, la dague facile, jusqu'au crime de sang. Peu de doute que ses longs et fréquents séjours dans les sombres cachots ont fortement influencé sa vision du monde. Se retrouvent ainsi dans ses tableaux des vues restreintes, au fond ténébreux, dont les personnages sont à peine éclairés. En prison, il côtoie les marginaux, les prostituées, les vagabonds, et ce sont eux qu'il choisira comme modèles... Fini les sujets au profil grec, les joueurs de luth bouclés à la peau lactescente.
Joueur de Luth (1595) Musée de l’Ermitage (St-Pétersbourg) 
Ce sont des personnages d'apparence vulgaire qui apparaissent sur les toiles. Caravage peint alors les scènes même religieuses de manière très novatrice, avec un style jugé blasphématoire et vulgaire par nombre de ses commanditaires.
Judith décapitant Holopherne (1598) Galerie d'art ancien, Rome.


Le chiaroscuro

L'éclairage provient d'une source unique, diffuse, vive, difficilement identifiable. Il est parfois franchement latéral, souvent latéral de trois quart haut.
La mort de la Vierge (1605-1606) au Louvre
Analyse de l'oeuvre par Bernard M. Collet
Cela fait bien penser à un puits de lumière éclairant un cachot et concourt sans modération au façonné des corps. Quant au fond, il est souvent obscur, mal identifiable. La perspective est absente. Cela rend la scène particulièrement intimiste tout en produisant une ambiance dans laquelle les sujets sont porteurs "d'une destinée ombrageuse aux accents souvent pessimistes" (Source)
Madeleine en extase , Rome, collection privée.
Article sur les différentes versions du tableau

Ce traitement des toiles en clair-obscur, chiaroscuro, bouscule les codes formels maniéristes de l'époque. Il se présente comme l'exacte transposition de la vie dissolue de l'artiste, ombre et lumière.

mardi 18 septembre 2018

Comment choisir un film ?

À moins d'apprécier les salles obscures au point d'y supporter l'ennui ou la répulsion, il vaut mieux se renseigner un peu avant de s'enfermer avec tel ou tel long métrage.

Mais le choix est-il si simple ? Quelle méthode mettre en œuvre ?
Faisons un petit inventaire :


- Se fier à la distribution peut être périlleux : Mathilde Seigner et Claude Brasseur se sont plantés dans Camping 2
Christophe Lambert a campé un fâcheux Vercingétorix, Alain Delon et Arielle Dombasle ne pouvaient réussir à sauver Le jour et la Nuit. Les trois films cités figurent au top 20 des pires navets cités par Sens Critique.


- Se référer au seul metteur en scène est hasardeux : même des grands comme Buñuel ou Hitchcock ont reconnu avoir tourné des séries B infréquentables. Godard a pu nous endormir. Clint Eastwood a commis en 2018 un terne voyage touristique avec 15H17 pour Paris. Quant à Claude Lelouch, il peut passer du film culte comme Un homme et une femme à de l'insipide genre À nous deux


 - Écouter l'avis des critiques professionnels pourrait être moins risqué. Mais en y mettant quelques conditions limitatives. Il faut en effet prendre garde aux avis souvent très positifs sur les films français à large diffusion. Collusion d'intérêt ? Sans doute pas. Peut-être de sincères amitiés dans le milieu du cinéma. Probablement le souci louable de défendre un cinéma plutôt en perte de vitesse. C'est ainsi qu'on retrouve des notes élevées pour des films qui ne marqueront pas l'histoire. Par exemple le sympathique Première

jeudi 13 septembre 2018

Mademoiselle de Joncquières, le film

Des liaisons ennuyeuses

Qu'aime-t-on en général dans les films en costumes ? Certes les magnifiques accoutrements, mais aussi et surtout les dialogues ciselés par la langue du XVIIIème, le contexte historique, la trame fine et élaborée comme dans les romans de l'époque. Hélas, rien de cela dans ce film. Lointaine transposition de Diderot, les échanges verbaux sont verbeux, plats ("Un bonheur qui ne dure pas, c'est du plaisir" "Nos sentiments sont aussi pleins de tendresse que de raison"…) et aussi extrêmement répétitifs. Le cadre historique se réduit à des décors rebattus, à des robes trop proprettes, et il nous présente un libertinage simplifié, ignorant sa dimension révolutionnaire de libre-pensée et de négation religieuse, niant même par la pruderie extrême des images que les libertins sont aussi des jouisseurs. Au moment suprême d'un rapprochement des amants sur le canapé, la caméra se détourne sagement sur un livre qu'une main dépose sur un autre ! Aucune sensualité donc dans ce film bien amidonné. Quant à l'intrigue, elle ne devient intéressante qu'à la toute fin, après qu'une heure ennuyeuse s'est passée sans que presque rien ne se passe.


Un téléfilm ? 

Mais le plus terne est dans la réalisation. L'image ne traduit ni les sentiments ni les situations. Quelles que soient les circonstances, même lorsqu'elles se voudraient dramatiques, la mise en scène se borne à quelques tableaux : les promenades dans les

samedi 1 septembre 2018

The Guilty, le fim

Le septième art a plus d'un tour dans son sac

 

La bande-annonce VO
Sur l'écran de "The Guilty", un seul acteur visible, dans une seule pièce, parlant une heure et demi au téléphone, et nous voilà pourtant scotchés à notre fauteuil, pris dans le suspense, palpitant d'anxiété, saisis par la performance cinématographique. 

Certes, on savait que l'observance des trois unités – lieu, temps et action – est une des bases de l'art dramatique. Mais au cinéma, qui est allé aussi loin dans un respect aussi strict ? C'était le rêve d'Hitchcock de tourner un thriller sans sortir d'une cabine téléphonique, Möller l'a réalisé.

Quelles sont donc les sources de tant de tension ?

Au fur et à mesure du déroulement du huis clos, la sidération vient et les questions se posent : qui est ce cinéaste danois, Gustav Möller, qui a osé un tel pari ? Pour un premier long métrage ! Comment parvenir à cette force avec si peu de variété d'images ? Quelles sont donc les sources de tant de tension ? Une bande son magistrale ? L'intensité du scénario et ses rebondissements, certains retentissants ? L'opposition flagrante entre une composition dramatique complexe et ce minimalisme des images ? La mise en place

vendredi 10 août 2018

Ambiances portugaises

 Tomar

 Óbidos

 Óbidos

 Alrededores de Óbidos


 Estação das Caldas da Rainha

dimanche 20 mai 2018

« Au diapason du monde », volumineuse expo à la Fondation Vuitton, jusqu'au 27 août

Près de 200 œuvres sorties des collections de la Fondation d'Art LVMH, l’objectif affiché étant d'interroger la place de l'Homme dans la Nature.

Takashi Murakami et les autres

L'expo se divise en deux grandes parties : celle consacrée à l'artiste néo-pop japonais Takashi Murakami (à ne pas confondre avec le futur probable prix Nobel de littérature Haruki Murakami), et l'autre partie, très hétéroclite, néanmoins remarquablement riche, où on retrouve d'importantes œuvres contemporaines et des  créations de grands artistes du siècle passé.

Takashi Murakami, un accrochage quelque peu dérangeant


Une bonne expo interroge sur l'Art. C'est le cas d'une autre expo "Artistes et Robots" au Grand Palais, et aussi, à un tout autre niveau, de celle-ci. 

Certes, on savait que l'Art n'est pas désintéressé, mais on en a ici une preuve nouvelle par l'omniprésence dans des locaux LVMH de celui qui a travaillé pour la firme à un échelon industriel. Le designer Murakami a en effet estampillé nombre de sacs à main Vuitton, et c'est lui qui a réinventé le monogramme de la marque. 

Ces relations marchandes peuvent déranger, d'autant que Murakami, jet-set et star-system, loin de l'image de l'artiste isolé et bohème, est à la tête d'un véritable empire de production, la Kaikai Kiki Company
Il s'agit pour la société de manager des expositions dans les grands lieux culturels du monde, de distribuer les reproductions et les produits dérivés (peluches, badges, T-shirts, jeux vidéos…), mais aussi d'employer les auxiliaires de fabrication des œuvres. Car le créateur Murakami dessine et peint l'esquisse, mais pour parvenir au gigantisme de certaines productions, il faudra scans, informatique, impressions et une armée d'assistants-dessinateurs. Pour plus de détails, lire ce qu'en dit l'Observatoire de l'Art contemporain.
Murakami est aujourd'hui sixième au classement mondial des artistes vivants les plus chers au monde. La sculpture en résine My lonesome cowboy (non exposée ici) a été adjugée pour plus de quinze millions de dollars.
My lonesome cowboy
 
Certes, Vuitton a le droit d'accrocher son associé Murakami, mais comment dans ces conditions garantir la neutralité dans le jugement artistique ? Un bel exemple de marchandisation de l'Art. D'autant que l'association, au sein de la même expo, de Murakami avec des artistes majeurs semble récompenser d'une sorte de consécration le pop-producteur japonais. Que celui qui douterait de son flat-art voie quels maîtres on le fait côtoyer ici : les Giacometti, Klein, Picasso…

La financiarisation peut aller de pair avec la qualité des œuvres


Qu'en est-il de l'esthétique Murakami ? Certes son côté outrancier, halluciné peut rebuter. Il est vrai que le flashy et la saturation des couleurs agressent.



Oui, il y a une surenchère démesurée d'une imagerie manga déjà sans retenue
.
En effet le gigantisme de certaines œuvres stupéfie : on entend "Ouah !..." à l'entrée de

dimanche 13 mai 2018

Le retour à Alger

Aujourd'hui, après plus de cinquante années passées en France, M revient dans sa ville, Alger.




Tu y es. 

Te voilà dans ta ville. 
Tu sens ce soleil sur ton visage ? C'est le tien. 
Il y a ce quelque chose de spécial dans l'air. Quelque chose qui est sans cesse resté présent loin à l'intérieur de toi, jamais effacé par les grisailles du temps. Est-ce une atmosphère un peu plus sèche ? Un ciel bleu un peu plus blanc ? D'infimes particules de sable en suspension ? Un peu du sel de la mer ? Une manière qu'a la chaleur du matin de vite s'installer ? 
Tu ne sais pas, mais tu le reconnais ce quelque chose. Tu le retrouves. 
Tu te retrouves. 
Tu reviens, et c'est comme si tu n'étais pas parti. 
Il faut passer la police. Dans la file d’attente énervée, tu fermes les yeux. Tu te laisses imprégner des interjections, des agitations, des frôlements, des parfums secs, de tous les brouhahas irrécusables. Si familiers. Enfouis, loin en toi. Si vite ranimés !

La poussière de l'air n'a pas changé, c’est celle que tu as dans le sang. 

Le taxi t'emmène, pressé. Vous restez silencieux. C’est la route moutonnière… Peut-être parce qu’elle longe la mer, son troupeau de petites vagues. Les vitres de la voiture sont grandes ouvertes. Sur le tableau de bord bien ciré, un tapis vert et rouge bat aux rythmes de l’air. À peine levée, la brise du matin est tiède. Elle dissipe cette poudre blanche qui plombe un peu le ciel. Le même ciel. Il va faire chaud. 
« Il va faire chaud », tu entends le chauffeur te le dire. Il a perçu les mêmes signes que toi, dans l'air, dans l'aridité du bleu, on ne sait où… Il va faire très chaud. Découragé, il allume le poste. La musique emplit la voiture. Violons et derboukas, voix suave. Le rythme se prête à la lumière, à la mer d'azur qui suit, au vent doux qui caresse ton bras. 
Alors tu veux montrer au chauffeur que tu n'es pas n'importe quel visiteur : pas homme d'affaires en expédition, ni improbable touriste… Alors tu parles. De rien. Du temps. De la

samedi 28 avril 2018

Artistes et robots, l'exposition du Grand Palais, jusqu'au 9 juillet 2018

Voilà une expo étonnamment consistante. Non seulement parce que certaines œuvres laissent béats d'admiration, mais aussi et peut-être surtout parce que leur création robotisée pose questions. Des interrogations sur la nature de l'Art, sur ce qu'est une œuvre, un Artiste créateur. En extrapolant les progrès de l'intelligence artificielle, nous humains serons-nous des créateurs si différents des super-robots du futur. La question fait froid dans le dos, sensation que, pour l'instant, nous sommes heureusement les seuls à éprouver !


La première partie de l'expo montre des robots en plein boulot


Une certaine maladresse, un peu de naïveté dans l'intention, et nous voilà d'abord rassurés : ces robots ne sont vraiment pas des artistes, à peine des objets qui s’agitent gauchement. Des guignols auxquels on a, avec pas mal de prétention, collé un pinceau en "main". 

Senseless Drawing Bot, structure métallique deSo Kanno & Takahiro Yamaguchi 

Un skate motorisé actionne un bras muni d'une bombe aérosol. Les pseudos graffiti obtenus prêtent plutôt à sourire. Une œuvre d'art ?


Robot Art, ballet de mini-véhicules traceurs de lignes plus ou moins aléatoires. 

Une des œuvres réalisée. Bien que le dessin soit assez décoratif, doit-on accorder un grand

dimanche 1 avril 2018

César, un sculpteur décompressé

L'expo César vient juste de fermer ses portes à Pompidou. Cet article pour y faire un petit tour rétrospectif…

Vingt ans après sa mort


Il y a vingt ans mourait César. Voici ce qu'en disait Claude Serrillon au journal télévisé

dimanche 11 mars 2018

Première expo 2018 à la Maison Européenne de la Photographie de Paris, jusqu'au 20 mai

Depuis janvier dernier, Jean-Luc Montessoro, fondateur de la MEP en 1996, n'en est plus le directeur. Ironie d'une nomination à l'heure du Brexit, Simon Baker, sujet britannique formé à l'histoire de l'art, roux comme il se fait outre-Manche, quitte le Tate de Londres pour la rue de Fourcy. Il se déclare néanmoins plus européen que jamais. Sa programmation débutera en 2019.

« La photographie française existe, je l’ai rencontrée » : une des dernières expos signée Montessoro

Montessoro a rencontré la photographie française contemporaine (de 1980 à nos jours), et laissant aller sa subjectivité, il accroche ses choix aux murs de la MEP. Juste avant son départ, c'est en fait une tardive réponse au jugement proféré dans les années 80 par le conservateur de la photo au MoMa de New-York, jugeant inexistante cette photographie. Montessoro puise dans les collections de la MEP pour démontrer au contraire sa grande richesse. Dans les salles de l'expo, certes l'impression de richesse est présente. Une cinquantaine d'artistes sont exposés : certains éminents comme Depardon, Salgado, Bernard Plossu,  Bettina Rheims,  Hervé GuibertChristine Spengler, Philippe Ramette, Sarah Moon,  Alain Fleischer… d'autres moins célèbres. 
Certes, c'est toujours un plaisir de revoir certaines œuvres fameuses : comment se lasser des gris de Depardon à New-York ?
 Ou des noirs jaillissant des puits de pétrole signés Salgado ?

Mais, parce que certaines œuvres célèbres peuvent l'être trop, ce sont souvent les images