De Mia Hansen-Love 2016 100mn
Drame avec Isabelle Huppert
Nathalie, prof de philo. En deux ou trois instants, elle perd tout : sa mère, son éditeur, son mari, son joli passé dans leur maison de bord de mer, ses certitudes, et certainement la joie. La voilà donc nue, au centre de sa liberté. Pour y faire face, pour l’apprivoiser, Nathalie l’agrégée devrait être armée comme nulle autre par son expertise en philosophie. La philosophie certainement va lui dire comment vivre cette totale liberté… Autrement à quoi servirait-elle ? Mais Nathalie qui connait sur le bout du cerveau la liberté comme concept semble soudain découvrir qu’elle possède une liberté bien à elle...
Disserter sur les abîmes est une chose, c’est autre chose que de ressentir le grand vertige de soi. Nathalie ne suit pas l’exemple de sa vieille chatte qui, elle, malgré son obésité, sa couleur noire, tous les malédictions du monde féminin contenus dans sa caisse de Pandora, part courir le monde et dénicher des souris. Nathalie renonce à sa liberté : elle hésite devant les caresses d’un inconnu. Jette trop vite les bouquets aimants de son mari. Elle se braque contre les couvertures haribo-marketing proposées pour son livre. À chaque occasion offerte par le hasard, elle se fige dans son âge social et dans sa condition canonique pour ne pénétrer nulle part. À la campagne elle ne prend pas le risque d’entrer dans les débats et les ébats subversifs des jeunes alternatifs qui l’accueillent. Nathalie est juste patiente. Sa vie ne songe jamais à se décaler sur une quelconque impatience. Ni révolutionnaire (comme son ex élève), ni charnelle (le fantasme lui suffit), trop sage. Face à sa totale liberté, Nathalie bourgeoise intello est aussi démunie qu’une ouvrière avec un mini CAP : il reste à toutes deux les choses simples de la vie qui va toute seule : le bonheur d’être grand-mère, une ressemblance fantasmée avec le nourrisson, la chaleur tendre d’une poularde farcie en famille un soir de Noël. Levinas a raison : la liberté est difficile. Nathalie signifie naissance. Dans le film, Nathalie ne nait pas à elle-même. Quel est alors le destin du bébé ? Sinon la fin dans une maison de retraite. Certes dans la première image du film, la tombe de Maupassant est belle face à la mer. Mais où sont ses Pascal, Levinas, Rousseau qui disent comment résister au courant qui y mène ? Plutôt qu’ « Avenir », le film aurait pu s’appeler «La vie derrière soi» ou aussi «Nathalie sans la vraie vie», ou encore «Renoncements». Voilà pourquoi c’est un beau film triste. Triste pour elle, pour une Nathalie dont on a envie de remuer le crâne pour qu'agisse enfin tout ce qu’il contient de doctrines.
Drame avec Isabelle Huppert
Nathalie, prof de philo. En deux ou trois instants, elle perd tout : sa mère, son éditeur, son mari, son joli passé dans leur maison de bord de mer, ses certitudes, et certainement la joie. La voilà donc nue, au centre de sa liberté. Pour y faire face, pour l’apprivoiser, Nathalie l’agrégée devrait être armée comme nulle autre par son expertise en philosophie. La philosophie certainement va lui dire comment vivre cette totale liberté… Autrement à quoi servirait-elle ? Mais Nathalie qui connait sur le bout du cerveau la liberté comme concept semble soudain découvrir qu’elle possède une liberté bien à elle...
Disserter sur les abîmes est une chose, c’est autre chose que de ressentir le grand vertige de soi. Nathalie ne suit pas l’exemple de sa vieille chatte qui, elle, malgré son obésité, sa couleur noire, tous les malédictions du monde féminin contenus dans sa caisse de Pandora, part courir le monde et dénicher des souris. Nathalie renonce à sa liberté : elle hésite devant les caresses d’un inconnu. Jette trop vite les bouquets aimants de son mari. Elle se braque contre les couvertures haribo-marketing proposées pour son livre. À chaque occasion offerte par le hasard, elle se fige dans son âge social et dans sa condition canonique pour ne pénétrer nulle part. À la campagne elle ne prend pas le risque d’entrer dans les débats et les ébats subversifs des jeunes alternatifs qui l’accueillent. Nathalie est juste patiente. Sa vie ne songe jamais à se décaler sur une quelconque impatience. Ni révolutionnaire (comme son ex élève), ni charnelle (le fantasme lui suffit), trop sage. Face à sa totale liberté, Nathalie bourgeoise intello est aussi démunie qu’une ouvrière avec un mini CAP : il reste à toutes deux les choses simples de la vie qui va toute seule : le bonheur d’être grand-mère, une ressemblance fantasmée avec le nourrisson, la chaleur tendre d’une poularde farcie en famille un soir de Noël. Levinas a raison : la liberté est difficile. Nathalie signifie naissance. Dans le film, Nathalie ne nait pas à elle-même. Quel est alors le destin du bébé ? Sinon la fin dans une maison de retraite. Certes dans la première image du film, la tombe de Maupassant est belle face à la mer. Mais où sont ses Pascal, Levinas, Rousseau qui disent comment résister au courant qui y mène ? Plutôt qu’ « Avenir », le film aurait pu s’appeler «La vie derrière soi» ou aussi «Nathalie sans la vraie vie», ou encore «Renoncements». Voilà pourquoi c’est un beau film triste. Triste pour elle, pour une Nathalie dont on a envie de remuer le crâne pour qu'agisse enfin tout ce qu’il contient de doctrines.