La peau des blacks
Les blacks ont-ils la peau noire ? Bien sûr que non. Et on ne peut plus en douter au vu des portraits de Seydou Keïta. Le noir profond présent dans la plupart des bonnes images en noir et blanc, celles de Salgado par exemple, ne s’étale pas ici sur les visages des Africains. Leur peau est étonnamment claire, éclairée. Un coup de Photoshop n’est guère envisageable dans les années 50. Et si les visages respirent la lumière, ce n'est pas l’effet de sourires de commande, photogra-gibbs, souvent aussi béats que factices, forcés. Ici, ils sont absents. Pourquoi donc l’Afrique coloniale de ces années-là sourirait-elle ? Rire oui, elle l’aurait pu, l’Afrique rigole souvent car il faut bien ne pas pleurer sur une vie de poseur de rails, sur undestin de chair à coton et à canon.
Dans le studio de Bamako
Mais là, devant la chambre photographique, dans le studio de Bamako, c’est trop sérieux : l’instant est exceptionnel. On a payé cher. On s’est habillé de son plus beau pagne, on a ciré ses chaussures, on a sorti tous ses bijoux. Car pour juste une fois sans doute, (un cliché coûte dix jours de certains salaires) son image va être fixée. La photo sera exposée chez soi bien en apparence. Elle sera vue par toute la famille, par la tribu, par les autres. Peut-être même dans plus d’un demi-siècle exposée à Paris dans un grand Palais… Voilà pourquoi la lumière des peaux vient du dedans : une certaine fierté de soi, de son costume, de sa lignée, de toute la belle Afrique.