Eau, Feu, Terre, Air… C’est tout ça la plage

Nous les humains, parfois ingénus

Nous les humains sommes parfois ingénus : nous croyons qu’en allant à la plage, nous aspirons juste à bronzer un peu, à flotter léger, à décompresser enfin. Ce serait un loisir sans prétention, agréable et sain, mais –sans se l’avouer– un peu bébête. Le festival de Tabarka en Tunisie avait d’ailleurs publié un slogan devenu célèbre : « comment ne pas bronzer idiot ». Il affirmait en creux que la simple plage, c’est pour les simples d’esprit.

Sans conscience

Pourtant, à la plage, par millions, ils s’y dirigent les hommes. Sacrifiant souvent leurs finances,
après avoir enduré des heures de train bondé, d’avion low-cost ou de voiture en surchauffe. Dès leur arrivée, au matin d’été, une serviette à la main, estimant la distraction légère, ils se posent tranquilles sur le sable fin ou sur les petits galets.
Sans conscience que l’acte est premier, substantiel, cosmique, qu’ils vont en douce visiter l’absolu.

L’univers est juste là

Voilà, comme tous, je suis quasi nu couché sur le sable, les yeux clos, candide comme chacun. Voué à l’attraction de notre Terre pour un contact minéral, tiède, pour une étreinte silencieuse et immobile. Vivre près de son corps. Comme dans l’amour. Nous nous serrons, la Terre et moi. Elle, titanesque ; moi grain de sable. La brise doucement caresse mon dos offert, pendant que les rayons me pénètrent. J’étends les bras sur le monde. Éléments sidéraux contre condition minuscule. L’univers est là, tout comme moi : nu. Cet air qui m’évente et s’enfuit, la terre qui me touche, le feu stellaire incalculable qui me brûle, l’eau toute proche qui clapote par petites vagues. Cette eau : liquide matriciel, rappel abyssal des origines sans fond de la vie et de l’homme.

Voilà ici exceptionnellement réunis les quatre éléments fondamentaux de l’Alchimie : Air, Terre, Feu, Eau. Où ailleurs qu’à la plage sont-ils réunis ?

Une visite au cosmos

La Plage est une alchimie exhaustive. La Plage est un rite. Une cérémonie sans objet ni tralala, une solennité du grand non-sens objectif. Un mysticisme païen du vide intersidéral. La religion affirme l’existence d’un Dieu, propose un futur. La Plage, elle, n’est que présent et atteste la minéralité du monde. Dorer, flotter, sécher, rougir… et ne rien cogiter. Sucer une glace, jouer à la raquette, s’assoupir une minute en offrant au soleil sa peau détrempée. Avec l’âme au repos et l’intelligence en pause, ensablée. 
Air, Terre, Feu, et Eau. Toucher le cosmos, c‘est déjà l'abondance.