L’attentat de Nice …
Tant de victimes : des dizaines de morts, des blessés, des traumatisés par centaines, par milliers. Tout un pays gravement atteint.Islamiste pro-Daech ou pas, le terroriste tueur est un fou.
Une question cruciale se pose alors : comment un individu – totalement isolé ou politiquement soutenu, peu importe – peut-il provoquer une telle déflagration dans tout un pays, jusqu’à même remuer le globe ? Comment parvient-il, alors qu’il est seul, à nous atteindre tous ? Le paradoxe est flagrant : une personne unique, et en face des millions.
Comment démêler la contradiction ?
Est-ce que – involontairement bien sûr – certaines de nos réactions, individuelles ou
collectives, ne viendraient pas accentuer le terrible effet voulu par l’assassin ? Considérablement l’amplifier ?
Les réactions des médias d’abord :
Avec cette manière de surcadrer l’attentat, audience oblige. Enchaînant images choquantes diffusées en boucle (souvent récupérés sur des mobiles de témoins), micro-trottoirs de personnes traumatisées (ce journaliste questionnant un homme hébété devant le cadavre de son épouse), interviews vides de sens. Pour les rédactions, tout se passe comme s’il fallait produire du tourment. Une saturation d’anxiété chez tout spectateur, chez chaque français. Comme l’écrit la spécialiste du trauma Marianne Kedia , il s’agit que « le téléspectateur se trouve dans une sorte d'hyper-identification, comme s'il vivait lui-même l'événement ». Les images sur-exposées génèrent quantité de « symptômes post-traumatiques ». Les effets de l’attentat se voient ainsi multipliés par un énorme facteur !Et les réactions des politiques !...
Aucun scrupule… Tous saisissent la bonne occasion pour leur petite cuisine. La droite trop contente de montrer encore « l’incurie sécuritaire du gouvernement ». Le gouvernement lui, s’emparant vite de l’événement pour entraîner l’opinion derrière lui en surjouant les protecteurs du peuple : on ne doit pas affaiblir le pouvoir en temps de guerre. Le FN, semblable à lui-même, ne rate pas le vilain coche, réclamant pêle-mêle « peine de mort », « actes contre les fellouzes », « lutte contre l'invasion de migrants ». Pour une fois, Mélanchon reste sobre, déplorant « le retour d’un de ces absurdes assassins… », mais taisant bien sûr qu’il s’oppose à tout état d’urgence. L’impression globale est celle d’une immense vague populiste déferlant de nouveau sur le pays, d’un tsunami politique provoqué par un seul individu.Le discours général affirmant à juste titre qu’il ne faut surtout rien changer à notre façon de vivre, à notre civilisation même, sauf à faire gagner ces islamistes, est ainsi complètement nié par les réalités : si nous n’y prenons pas garde, le terroriste, bien secondé par les processus politico-médiatiques, nous poussera aux opinions extrêmes. Il suffit de lire les réactions des internautes, même sur un site mesuré comme celui du Monde : froid dans le dos. Les cerveaux semblent être mis en mode veille, laissant toute la place aux aigreurs refoulées et au ressentiment de bas étage. C’est le défouloir puant de la pire réaction. Et c’aurait dû être le rôle des politiques que de mettre en garde calmement le pays contre ces dérives-là. Hélas…