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dimanche 14 octobre 2018

La photographie d 'Helena Almeida

Née en 1934 à Lisbonne, la photographe plasticienne Helena Almeida, que le public avait pu découvrir au Jeu de Paume en 2016, est décédée fin septembre 2018.
Fille de sculpteur, pour qui elle posait, elle avait étudié les Beaux-arts à l'Université de Lisbonne et passé trois ans à Paris dans les années 60. Elle avait mis le corps, son propre corps, au centre de son œuvre.

Des photographies marquées de peinture

De larges aplats d'encre ou de peinture bleue, un bleu Klein, signent d'une manière très personnelle ses grands formats en noir et blanc.
On peut se demander pourquoi Helena Almeida a ainsi marqué ses photos… Sans doute du fait de son histoire personnelle avec les deux arts, puisqu'un beau jour, en contemplant un monochrome de Lucio Fontana lacéré au cutter, elle décide de passer de la peinture à la
photographie. Elle dit être ainsi « sortie de la toile », « libérée de la tyrannie de la peinture ». Ses touches de peinture semblent mettre au deuxième plan la scène et donnent une expression nouvelle à l'image, plus abstraite. Le geste de peindre, souvent présent dans les images et dirigé vers l'extérieur, vers l'espace réel, leur donne une dynamique, comme une libération du support.
La présence de ces aplats peints ajoute en densité et en trouble, créant une narration nouvelle. C'est aussi une façon de gratifier la photographie de la notoriété de l'art pictural, si tant est que ce fût encore nécessaire dans les années 70.

Un corps objet et sujet

"A minha pintura é o meu corpo”. "Ma peinture est mon corps" . 
Dès 1979, Helena Almeida se montre bâillonnée, avec un bandeau sur les yeux où elle écrit "Ouve-me" (écoute-moi).
Elle ne cessera plus de joindre la représentation artistique et la présentation de son propre corps. Objet et Sujet. "J'ai commencé à devenir la peinture, j'ai commencé à devenir mon œuvre, à devenir la chose créée. Et en même temps j'en suis le créateur."

Pourtant pas des selfies !

Helena Almeida a toujours nié qu'il s'agisse d'autoportraits. Son corps représenté serait un corps universel. Évidemment pas de volonté de mise en valeur égotique de soi comme les actuels selfies ! Des images qui n'ont rien de la manière de Cindy Sherman, l'Américaine se montre toujours méconnaissable, de la starlette hollywoodienne à l'aristocrate Renaissance. Ni telle Claude Cahun (exposée au Jeu de Paume en 2011) qui brouille dans ses autoportraits les frontières des genres sexuels.
Il y a au contraire chez Helena Almeida une certaine mise à nu d'elle-même dans une grande simplicité, avec une modestie du costume, une spontanéité de la pose. On la sent abordable, on l'aborde.