Le poète répondit avec un sourire :
- Non, ma fille. Mais la vie me manquera.
De temps en temps, me revient cette phrase de Vinicius. Je
pense : de quoi aurai-je la nostalgie, moi ? Ça m’ennuie de mourir
parce qu’on reste mort très longtemps. Je suis certain que mon père
s'enquiquine ferme au cimetière, sans livres, sans musique, sans opportunité
de se rendre désagréable. Mon grand-père, si différent de son fils, a dû déjà
se faire là-bas des tas d’amis, tous autour d’une grande table à manger des
bernacles. Et mon oncle Eloy joue aux cartes avec les autres, souriant de
satisfaction quand il lui sort un bon jeu. Toujours il se boursouflait sur sa
chaise, et l'examinait en répétant :
- Très bien, messieurs les officiers
De même que si les choses tournaient mal, il se lamentait :
- Je suis huissier depuis des années, et jamais je n’ai vu une
chose pareille.
Je le vois d’ici, sans un faux-pli, plein d’élégance… Ma tante
Madalena lit de gros livres, ma tante Bia enseigne le piano, et moi, je m'effraie
qu’un jour il n’y ait plus ni papier, ni crayon, ni ami, ni femmes. Mais, pour revenir à
Vinicius de Morais : de quoi aurai-je la nostalgie ? De me
réveiller le matin, en été, entouré de senteurs bourdonnantes ? De la
mer à Vila Praia de Âncora ? Des chiens ferrugineux de Colares et de
leurs yeux implorants ? De Beira Alta ? De Beira Alta sans doute,
et du juge qui se vantait d’arrêter la pensée. Des chats qui en fermant les
yeux cessent d’exister et se transforment en coussins de canapé ? De ma
fille Isabel lorsque je l’emmenais au musée afin de remplir ses tendres
neurones d’amour pour le beau ?
- Tu aimes ?
- Je trouve ça un peu rébarbateux
Et je n’ai pas eu le courage de lui dire que moi aussi je trouve
les musées un peu rébarbateux. Je ne prêtais pas attention aux tableaux, je
m'en fichais pas mal, mais à l'époque de mon enfance, il y avait toutes les
dix toiles un crachoir chromé qui m’intéressait énormément. Le problème,
c’est que je n’ai jamais su cracher comme il faut. Aujourd’hui encore, je ne
sais pas cracher de façon convenable et, sans plaisanter, j’en ai honte. Dans
le car pour le lycée, j’admirai les messieurs qui sortaient de leur poche un
mouchoir bien plié, l’ouvraient avec une lenteur précieuse, extrayaient l'âme
des poumons, la déposaient dans le mouchoir avec un gargouillement de siphon
compétent et profond, examinaient l'âme avec satisfaction, repliaient le
mouchoir et faisaient le reste du trajet avec elle dans le pantalon.
Peut-être est-ce pour cela que je n’utilise même pas de mouchoir : quand
je me sens morveux je lutte avec moi-même pour ne pas essuyer mon nez sur ma
manche et j’y parviens la plupart du temps. Je vais avoir la nostalgie de
ceux qui se mouchent avec dignité et fracas, et aussi des autres, plus répandus,
détenteurs d’un pouvoir de synthèse qui malheureusement me fait défaut. Passe
une fille, et eux, immédiatement :
- T’es vraiment bien roulée…
dans une concision admirable, et, poussant du coude un complice
distrait :
- Tu as vu ?
Le quidam n’aperçoit déjà plus la fille que de loin, mais
acquiesce par solidarité :
- Dès que l’été arrive, elles se dépiautent
Et avec une capacité de synthèse, il conclue :
-Toutes des putes
Ce qui met un point final n’admettant aucune réplique. Les voilà
cataloguées définitivement, de sorte qu'on passe aux mérites de la bière
brune qui, en plus d’arrêter la soif, est idéale pour enlever les taches, que
ce soit sur la chemise ou dans l’estomac
- Elles nettoient même les ulcères, elles nettoient les ulcères
et adoucissent le jambon
- Si les gens tétaient une brune au milieu de l’après-midi, personne
ne tomberait jamais malade
Puis, c'est l'inspection de la semelle des chaussures :
- Regarde-moi cette saloperie de trou…
S’ensuit un discours autour des fragilités et des misères du
cuir. Aurai-je la nostalgie de cela ? J’en aurai à coup sûr de l’épicier
d'à côté. Il est toujours seul dans son magasin, derrière le comptoir, un
homme très bien élevé. Si vous lui achetez un paquet de cigarettes et dites
- merci
il répond immédiatement :
- c’est nous qui vous remercions
d’un ton papal, ce qui m'amène à l’imaginer entouré de créatures
invisibles pour moi, mais bien réelles pour lui, une multitude de spectres
sur lesquels il règne avec bienveillance. Il possède d’énormes sourcils qui
ne s’accordent pas tout à fait avec ses gestes précieux. Jamais je ne vis un
autre que moi entrer dans l’épicerie. Non, c'est faux : une fois, il y
avait là une petite vieille qui achetait
deux pêches et qui comptait son argent comme si elle disait adieu pour
toujours à un fils unique. Je me souviens qu’elle a contemplé les pièces
jusqu’à leur disparition dans le tiroir avec une tendresse qui me fendait le
cœur. Puis elle s’est éclipsée par une petite porte de côté, une pantoufle au
pied gauche et une botte au pied droit. La marche devant la porte, elle mit
un quart d’heure à l’escalader. L’épicier, oubliant le
- c’est nous qui vous remercions,
m’ouvrit des horizons :
- C’est madame Esperança, qui fut jadis très riche…
Elle fut très riche, et aujourd’hui une pêche, peut-être une
petite soupe, et les restes de sa richesse au clou. Aurai-je aussi la
nostalgie de cela ? Pour citer Isabel, la vie, de temps en temps, est rébarbateuse.
Se peut-il qu'il y a des siècles madame Esperança ait été très canon ?
Se peut-il que son mari crachait convenablement ? C’est peu
probable parce qu’il était, selon l’épicier, un Docteur.
- Docteur des tribunaux
précisa-t-il avec admiration.
- Docteur des tribunaux
je l’ai déjà entendu dire dans les rues.
Je pense que si mon oncle Eloy avait vu cela, il aurait fait son
commentaire :
- Je suis huissier depuis des années, et jamais je n’ai vu une
chose pareille.
Moi non plus, tonton, moi non plus. Et au fait, quand Vinicius de
Morais se référait à la nostalgie de la vie, à quelle vie pensait-il ?
Traduction libre G.Dappelo
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O poeta
respondeu com um sorriso:
- Não, minha
filha. Tenho saudades da vida.
De tempos a
tempos esta frase de Vinicius regressa-me à ideia. Penso: de que terei
saudades, eu? Maça-me morrer porque se fica defunto muito tempo. Estou
certo que o meu pai anda chateadíssimo no cemitério, sem livros, sem
música, sem oportunidades para ser desagradável. O meu avô, tão diferente
do filho, já deve ter feito montes de amigos por lá, todos a comerem
percebes à volta de uma mesa grande. E o meu tio Eloy joga às cartas com os
outros, a sorrir de satisfação quando lhe saem naipes bons. Costumava
inchar na cadeira, a olhar para eles, repetindo
- Muito bem,
senhores oficiais
da mesma
maneira que, se as coisas corriam mal, se lamentava
- Há muitos
anos que sou beleguim e nunca vi uma coisa assim
e vejo-o
daqui, sem uma prega, elegantíssimo. A minha tia Madalena lê livros
grossos, a minha tia Bia ensina piano e eu sinto medo de não haver papel,
nem caneta, nem amigos, nem mulheres. Mas, voltando a Vinicius de Morais,
de que terei saudades? De acordar de manhã, no verão, rodeado de cheiros
que zumbem? Do mar em Vila Praia de Âncora? Dos cães ferrugentos de Colares
e dos seus olhos lamentosos? Da Beira Alta? Da Beira Alta sem dúvida, e do
juiz que se gabava de parar o pensamento. Dos gatos que ao fecharem os
olhos cessam de existir e se transformam em almofadas de sofá? Da minha
filha Isabel ao levá-la a um museu para lhe encher de amor pela beleza os
tenros neurónios:
- Estás a
gostar?
- Acho um
bocado aborrecente
e não tive
coragem de dizer que também acho os museus um bocado aborrecentes. Não
ligava muito aos quadros, ou antes não ligava patavina aos quadros mas, na
época de eu criança, havia escarradores cromados, a cada dez telas, que me
interessavam muitíssimo. O problema é que nunca soube cuspir em condições.
Ainda hoje não sei cuspir decentemente e, não estou a brincar,
envergonho-me disso. No transporte para o liceu sempre admirei os
cavalheiros que tiravam um lenço muito bem dobrado da algibeira, o abriam
numa lentidão preciosa, puxavam a alma dos pulmões, depositavam-na no lenço
num gorgolejo de ralo, competente, profundo, examinavam a alma com
satisfação, tornavam a dobrar o lenço e faziam o resto do trajecto com ela
nas calças. Talvez seja por isso que nem lenço uso: quando me acho fungoso
luto comigo mesmo para não limpar o nariz na manga: a maior parte das vezes
consigo. Vou ter saudades daqueles que se assoam com dignidade e estrondo e
dos outros, mais comuns, detentores de um poder de síntese que,
desgraçadamente, me falta. Passa uma rapariga e eles, logo
- És muita
boa
numa
concisão admirável, a acotovelarem um sócio distraído
- Viste?
O sócio já
só apanha a rapariga ao longe mas concorda por solidariedade
- Chega o
verão e descascam-se logo
e o do poder
de síntese remata
- Todas umas
putas
que é um
ponto final que não admite acrescentos, ei-las catalogadas em definitivo,
de modo que se passa aos méritos da cerveja preta que, além de acabar com a
sede, é óptima para tirar nódoas, seja na camisa, seja no estômago
- Até limpam
as úlceras
limpam as
úlceras e amortecem o presunto:
- Se as
pessoas mamassem uma preta a meio da tarde ninguém adoecia.
Segue-se a
inspecção da sola do sapato
- Olha-me
para a porcaria deste buraco aqui
e um
discurso acerca das fragilidades e misérias do cabedal. Terei saudades
disto? Do senhor da mercearia ao pé de mim vou ter de certeza. Está sempre
sozinho na loja, atrás do balcão, educadíssimo. Se lhe comprar um maço de
cigarros e disser
- Obrigado
responde de
imediato
- Obrigado
somos nós
num tom
papal, que me leva a imaginá-lo cercado de criaturas invisíveis para mim
mas óbvias para ele, uma multidão de espectros sobre os quais reina com
benevolência. Tem sobrancelhas grossíssimas que não vão inteiramente com os
seus gestos fidalgos. Nunca vi ninguém entrar na mercearia a não ser eu.
Mentira: uma ocasião estava lá uma velhota que comprou dois pêssegos, a
contar o dinheiro como se estivesse a despedir-se para sempre de um filho
único. Lembro-me que fitou as moedas, até elas se sumirem na gaveta, numa
ternura que me rasgou ao meio o coração. Depois sumiu-se numa portinha ao
lado, com uma pantufa no pé esquerdo e uma bota no direito. O degrau da
portinha levou-lhe um quarto de hora a escalar. O senhor da mercearia,
esquecido do
- Obrigado
somos nós
abriu-me os
horizontes
- É a dona
Esperança que já foi muito rica.
Foi muito
rica e agora um pêssego, uma sopinha talvez, os restos da riqueza no prego.
Terei saudades disto, também? Para citar a Isabel a vida, de tempos a
tempos, é aborrecente. Será que, há séculos, a dona Esperança muito boa?
Será que o marido cuspia em condições? É pouco provável porque o marido,
segundo o senhor da mercearia, doutor.
- Doutor de
tribunais
especificou
ele com admiração
- Doutor de
tribunais
escutei eu
já na rua.
Penso que se o meu tio Eloy visse aquilo comentava
- Há muitos
anos que sou beleguim e nunca vi uma coisa assim.
Eu também
não, tio, eu também não. E, já agora, quando Vinicius de Morais se referia
a saudades da vida em que vida pensava?
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António Lobo Antunes, Saudades da Vida in Visão Online, 22 de Dez. 2010
(texto adaptado)
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