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lundi 25 février 2019

António Lobo Antunes : Saudades da vida.



Dans la revue Visão Online  du 22 décembre 2010, António Lobo Antunes publiait une chronique intitulée Saudades da vida

En voici une libre traduction. 

Il s'agit pour moi de rendre hommage à son humour, à la manière légère et pourtant profonde qu'il a de montrer les mutations de la vie sociale au Portugal, à toute la poésie dont il entoure l'inexorable avancée du temps.


  
Une fois, une journaliste a demandé à Vinicius de Morais s’il avait peur de la mort.
Le poète répondit avec un sourire :
- Non, ma fille. Mais la vie me manquera.
De temps en temps, me revient cette phrase de Vinicius. Je pense : de quoi aurai-je la nostalgie, moi ? Ça m’ennuie de mourir parce qu’on reste mort très longtemps. Je suis certain que mon père s'enquiquine ferme au cimetière, sans livres, sans musique, sans opportunité de se rendre désagréable. Mon grand-père, si différent de son fils, a dû déjà se faire là-bas des tas d’amis, tous autour d’une grande table à manger des bernacles. Et mon oncle Eloy joue aux cartes avec les autres, souriant de satisfaction quand il lui sort un bon jeu. Toujours il se boursouflait sur sa chaise, et l'examinait en répétant :
- Très bien, messieurs les officiers
De même que si les choses tournaient mal, il se lamentait :
- Je suis huissier depuis des années, et jamais je n’ai vu une chose pareille.
Je le vois d’ici, sans un faux-pli, plein d’élégance… Ma tante Madalena lit de gros livres, ma tante Bia enseigne le piano, et moi, je m'effraie qu’un jour il n’y ait plus ni papier, ni crayon, ni  ami, ni femmes. Mais, pour revenir à Vinicius de Morais : de quoi aurai-je la nostalgie ? De me réveiller le matin, en été, entouré de senteurs bourdonnantes ? De la mer à Vila Praia de Âncora ? Des chiens ferrugineux de Colares et de leurs yeux implorants ? De Beira Alta ? De Beira Alta sans doute, et du juge qui se vantait d’arrêter la pensée. Des chats qui en fermant les yeux cessent d’exister et se transforment en coussins de canapé ? De ma fille Isabel lorsque je l’emmenais au musée afin de remplir ses tendres neurones d’amour pour le beau ?
- Tu aimes ?
- Je trouve ça un peu rébarbateux
Et je n’ai pas eu le courage de lui dire que moi aussi je trouve les musées un peu rébarbateux. Je ne prêtais pas attention aux tableaux, je m'en fichais pas mal, mais à l'époque de mon enfance, il y avait toutes les dix toiles un crachoir chromé qui m’intéressait énormément. Le problème, c’est que je n’ai jamais su cracher comme il faut. Aujourd’hui encore, je ne sais pas cracher de façon convenable et, sans plaisanter, j’en ai honte. Dans le car pour le lycée, j’admirai les messieurs qui sortaient de leur poche un mouchoir bien plié, l’ouvraient avec une lenteur précieuse, extrayaient l'âme des poumons, la déposaient dans le mouchoir avec un gargouillement de siphon compétent et profond, examinaient l'âme avec satisfaction, repliaient le mouchoir et faisaient le reste du trajet avec elle dans le pantalon. Peut-être est-ce pour cela que je n’utilise même pas de mouchoir : quand je me sens morveux je lutte avec moi-même pour ne pas essuyer mon nez sur ma manche et j’y parviens la plupart du temps. Je vais avoir la nostalgie de ceux qui se mouchent avec dignité et fracas, et aussi des autres, plus répandus, détenteurs d’un pouvoir de synthèse qui malheureusement me fait défaut. Passe une fille, et  eux, immédiatement :
- T’es vraiment bien roulée…
dans une concision admirable, et, poussant du coude un complice distrait :
- Tu as vu ?
Le quidam n’aperçoit déjà plus la fille que de loin, mais acquiesce par solidarité :
- Dès que l’été arrive, elles se dépiautent
Et avec une capacité de synthèse, il conclue :
-Toutes des putes
Ce qui met un point final n’admettant aucune réplique. Les voilà cataloguées définitivement, de sorte qu'on passe aux mérites de la bière brune qui, en plus d’arrêter la soif, est idéale pour enlever les taches, que ce soit sur la chemise ou dans l’estomac
- Elles nettoient même les ulcères, elles nettoient les ulcères et adoucissent le jambon
- Si les gens tétaient une brune au milieu de l’après-midi, personne ne tomberait jamais malade
Puis, c'est l'inspection de la semelle des chaussures :
- Regarde-moi cette saloperie de trou…
S’ensuit un discours autour des fragilités et des misères du cuir. Aurai-je la nostalgie de cela ? J’en aurai à coup sûr de l’épicier d'à côté. Il est toujours seul dans son magasin, derrière le comptoir, un homme très bien élevé. Si vous lui achetez un paquet de cigarettes et dites
- merci       
il répond immédiatement :
- c’est nous qui vous remercions  
d’un ton papal, ce qui m'amène à l’imaginer entouré de créatures invisibles pour moi, mais bien réelles pour lui, une multitude de spectres sur lesquels il règne avec bienveillance. Il possède d’énormes sourcils qui ne s’accordent pas tout à fait avec ses gestes précieux. Jamais je ne vis un autre que moi entrer dans l’épicerie. Non, c'est faux : une fois, il y avait là une petite vieille qui  achetait deux pêches et qui comptait son argent comme si elle disait adieu pour toujours à un fils unique. Je me souviens qu’elle a contemplé les pièces jusqu’à leur disparition dans le tiroir avec une tendresse qui me fendait le cœur. Puis elle s’est éclipsée par une petite porte de côté, une pantoufle au pied gauche et une botte au pied droit. La marche devant la porte, elle mit un quart d’heure à l’escalader. L’épicier, oubliant le    
- c’est nous qui vous remercions, 
m’ouvrit des horizons :
- C’est madame Esperança, qui fut jadis très riche…
Elle fut très riche, et aujourd’hui une pêche, peut-être une petite soupe, et les restes de sa richesse au clou. Aurai-je aussi la nostalgie de cela ? Pour citer Isabel, la vie, de temps en temps, est rébarbateuse. Se peut-il qu'il y a des siècles madame Esperança ait été très canon ? Se peut-il que son mari crachait convenablement ? C’est peu probable parce qu’il était, selon l’épicier, un Docteur.
- Docteur des tribunaux                
précisa-t-il avec admiration.
- Docteur des tribunaux                
je l’ai déjà entendu dire dans les rues.
Je pense que si mon oncle Eloy avait vu cela, il aurait fait son commentaire :
- Je suis huissier depuis des années, et jamais je n’ai vu une chose pareille.
Moi non plus, tonton, moi non plus. Et au fait, quand Vinicius de Morais se référait à la nostalgie de la vie, à quelle vie pensait-il ?


                                                                        
Traduction libre G.Dappelo




                                             
Uma ocasião uma jornalista perguntou a Vinicius de Morais se tinha medo da morte.
O poeta respondeu com um sorriso:
- Não, minha filha. Tenho saudades da vida.
De tempos a tempos esta frase de Vinicius regressa-me à ideia. Penso: de que terei saudades, eu? Maça-me morrer porque se fica defunto muito tempo. Estou certo que o meu pai anda chateadíssimo no cemitério, sem livros, sem música, sem oportunidades para ser desagradável. O meu avô, tão diferente do filho, já deve ter feito montes de amigos por lá, todos a comerem percebes à volta de uma mesa grande. E o meu tio Eloy joga às cartas com os outros, a sorrir de satisfação quando lhe saem naipes bons. Costumava inchar na cadeira, a olhar para eles, repetindo

- Muito bem, senhores oficiais
da mesma maneira que, se as coisas corriam mal, se lamentava

- Há muitos anos que sou beleguim e nunca vi uma coisa assim

e vejo-o daqui, sem uma prega, elegantíssimo. A minha tia Madalena lê livros grossos, a minha tia Bia ensina piano e eu sinto medo de não haver papel, nem caneta, nem amigos, nem mulheres. Mas, voltando a Vinicius de Morais, de que terei saudades? De acordar de manhã, no verão, rodeado de cheiros que zumbem? Do mar em Vila Praia de Âncora? Dos cães ferrugentos de Colares e dos seus olhos lamentosos? Da Beira Alta? Da Beira Alta sem dúvida, e do juiz que se gabava de parar o pensamento. Dos gatos que ao fecharem os olhos cessam de existir e se transformam em almofadas de sofá? Da minha filha Isabel ao levá-la a um museu para lhe encher de amor pela beleza os tenros neurónios:

- Estás a gostar?

- Acho um bocado aborrecente
e não tive coragem de dizer que também acho os museus um bocado aborrecentes. Não ligava muito aos quadros, ou antes não ligava patavina aos quadros mas, na época de eu criança, havia escarradores cromados, a cada dez telas, que me interessavam muitíssimo. O problema é que nunca soube cuspir em condições. Ainda hoje não sei cuspir decentemente e, não estou a brincar, envergonho-me disso. No transporte para o liceu sempre admirei os cavalheiros que tiravam um lenço muito bem dobrado da algibeira, o abriam numa lentidão preciosa, puxavam a alma dos pulmões, depositavam-na no lenço num gorgolejo de ralo, competente, profundo, examinavam a alma com satisfação, tornavam a dobrar o lenço e faziam o resto do trajecto com ela nas calças. Talvez seja por isso que nem lenço uso: quando me acho fungoso luto comigo mesmo para não limpar o nariz na manga: a maior parte das vezes consigo. Vou ter saudades daqueles que se assoam com dignidade e estrondo e dos outros, mais comuns, detentores de um poder de síntese que, desgraçadamente, me falta. Passa uma rapariga e eles, logo

- És muita boa
numa concisão admirável, a acotovelarem um sócio distraído

- Viste?

O sócio já só apanha a rapariga ao longe mas concorda por solidariedade

- Chega o verão e descascam-se logo
e o do poder de síntese remata

- Todas umas putas

que é um ponto final que não admite acrescentos, ei-las catalogadas em definitivo, de modo que se passa aos méritos da cerveja preta que, além de acabar com a sede, é óptima para tirar nódoas, seja na camisa, seja no estômago
- Até limpam as úlceras
limpam as úlceras e amortecem o presunto:
- Se as pessoas mamassem uma preta a meio da tarde ninguém adoecia.
Segue-se a inspecção da sola do sapato
- Olha-me para a porcaria deste buraco aqui
e um discurso acerca das fragilidades e misérias do cabedal. Terei saudades disto? Do senhor da mercearia ao pé de mim vou ter de certeza. Está sempre sozinho na loja, atrás do balcão, educadíssimo. Se lhe comprar um maço de cigarros e disser
- Obrigado
responde de imediato
- Obrigado somos nós
num tom papal, que me leva a imaginá-lo cercado de criaturas invisíveis para mim mas óbvias para ele, uma multidão de espectros sobre os quais reina com benevolência. Tem sobrancelhas grossíssimas que não vão inteiramente com os seus gestos fidalgos. Nunca vi ninguém entrar na mercearia a não ser eu. Mentira: uma ocasião estava lá uma velhota que comprou dois pêssegos, a contar o dinheiro como se estivesse a despedir-se para sempre de um filho único. Lembro-me que fitou as moedas, até elas se sumirem na gaveta, numa ternura que me rasgou ao meio o coração. Depois sumiu-se numa portinha ao lado, com uma pantufa no pé esquerdo e uma bota no direito. O degrau da portinha levou-lhe um quarto de hora a escalar. O senhor da mercearia, esquecido do
- Obrigado somos nós
abriu-me os horizontes
- É a dona Esperança que já foi muito rica.
Foi muito rica e agora um pêssego, uma sopinha talvez, os restos da riqueza no prego. Terei saudades disto, também? Para citar a Isabel a vida, de tempos a tempos, é aborrecente. Será que, há séculos, a dona Esperança muito boa? Será que o marido cuspia em condições? É pouco provável porque o marido, segundo o senhor da mercearia, doutor.

- Doutor de tribunais
especificou ele com admiração
- Doutor de tribunais
escutei eu já na rua. 
Penso que se o meu tio Eloy visse aquilo comentava
- Há muitos anos que sou beleguim e nunca vi uma coisa assim.

Eu também não, tio, eu também não. E, já agora, quando Vinicius de Morais se referia a saudades da vida em que vida pensava?

   
  António Lobo Antunes, Saudades da Vida in Visão Online, 22 de Dez. 2010
    (texto adaptado)