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dimanche 8 janvier 2017

Pablo Neruda, le film…

Ce que le film n’est pas


Ce n’est certes pas un biopic : le film met en scène juste les deux années 1948-49 de la vie du poète, celles de la traque menée par le régime répressif du dictateur González Videla contre les militants communistes, et il ignore tout du passé personnel ou politique de Neruda et de ses années futures. 

Même si le climat d’après-guerre est relaté, le film ne constitue pas non plus un document historique, puisque centré sur l’inspecteur Óscar Peluchonneau, personnage de fiction. C’est ce policier qui va pourchasser Neruda avec passion, sans relâche, pièce maîtresse riche et ambiguë de la trame dramatique, au point que la voix off du flic fait office de narrateur tout au long du film. 
Ni un chant général à la gloire du poète. Neruda est montré comme une personne assez
peu sympathique, parfois odieuse sous des rondeurs séductrices, gros ego fantasque. En bon écrivain, il tire avantage de la traque, la façonnant et jouant avec elle avec délectation pour renforcer son image littéraire.
Les vers déclamés, presque chantés par Luis Gnecco/Neruda dans de nombreuses scènes, n’en font pourtant pas un film poétique. Un petit fragment de poème qui surprend le spectateur entre deux séquences un peu bavardes peut-il être émouvant comme le serait l’intimité d’une lecture ?
Le film n’est pas davantage un thriller, tout suspense aboli par la fin connue ou prévisible. Et dès le début, on sent bien que cette poursuite est plus symbolique que réaliste et policière : une construction relevant de la fable.

Comment avoir assez tôt la bonne lecture ?

Des longueurs, un peu trop de verbiage, des répétitions, parfois un ennui léger lors de la séance… Mais avant même que le générique ne commence à se dérouler, dès que la fin du film confirme l’idée que ce Peluchonneau serait peut-être créé par Neruda lui-même, alors vient le regret de ne pas avoir eu assez tôt la bonne lecture. Ce drôle de flic s’avère en filigrane le rôle central d'une œuvre romanesque que Neruda aurait écrit tout au long de sa traque. Et quel personnage ! Un inspecteur de droite extrême, fils ambigu du peuple et d’une prostituée, ennemi déclaré du poète, pourtant subjugué par son génie, n’ayant d’autre ambition pour sortir de sa classe que de le mettre aux fers… Peluchonneau attendrait-il la mort de l’un des deux pour s’avouer à lui-même sa condition banale ?

Quelque chose de cubiste


Gael Garcia Bernal (l’acteur qui joue magistralement le rôle du flic) a déclaré que le film de Pablo Larraín a « quelque chose de cubiste ». En effet, et inutile donc d’y rechercher des faces trop carrées : ni un biopic, ni un document, ni… , ni… Voilà donc un film inclassable, très littéraire, avec nombre de mystères restant à élucider. Et ce sont là sans doute ses grandes qualités, surtout s’agissant d’évoquer un poète.

Au final, le scénario a peut-être été rédigé par le fantôme de Neruda lui-même !