Happy end
Voilà un film à la fin heureuse… Je ne dévoile rien, le monde entier a célébré le sang-froid des pilotes qui ont tiré d’affaire 155 individus mal embarqués. C’est un déroulement convenant bien au cinéma américain, lui qui déteste tant montrer les revers et les déconfitures qui affecteraient la Nation. Souvenons-nous des dernières scènes de Titanic où les noyés réapparaissent miraculeusement vivants sur le pont du bateau.
Concernant Sully, l’amateur de film-catastrophe ne se consternera pas de connaître à l’avance le dénouement. Bien au contraire, cela fait partie des conventions du genre. Grâce à Steve McQueen la tour n’a été évidemment pas infernale jusqu’au bout, et les prisonniers du ventre du Poséidon ont bien sûr fini par trouver l’issue vitale. Happy end également pour les passagers du Commandant Sully, gloire à l’Amérique !
Où donc placer le suspens puisqu’on connaît la fin ?
Sully n’est pourtant pas juste le film-catastrophe qu’on pouvait craindre (ou espérer), même
si quelques personnages très secondaires et certaines courtes scènes tombent dans le mélo propre au genre.
si quelques personnages très secondaires et certaines courtes scènes tombent dans le mélo propre au genre.
Le talent de Clint Eastwood et sa sensibilité aux injustices ont su trouver un fil différent.
Dès les premières minutes du film, on comprend qu’il n’a pas suffi aux pilotes de réussir l’amerrissage du siècle : d’autres épreuves accablantes les attendent. Ils doivent vite affronter une dure bataille face à des experts déterminés, et les deux pilotes se révèlent alors attachants, à la fois courageux et vulnérables. C’est qu’un avion a été détruit, et la tendance constante des constructeurs, des compagnies aériennes et des entreprises aéroportuaires est d’accuser l’équipage plutôt que d’avoir à chercher leurs responsabilités propres, gros sous obligent. Alors, très intelligemment, Eastwood remplace le suspens absent de la plongée réussie dans l’Hudson par le combat à l’issue incertaine des deux héros face aux méchants enquêteurs. Sully et son copilote auraient-ils pris des risques inconsidérés en tentant un amerrissage redoutable ? Était-il possible de juste faire demi-tour pour se poser pépère à La Guardia ? La question va accompagner le film et lui permettre son envol. Ajoutons un montage adroit comme seuls les américains savent le faire, alternant reconstitution impressionnante et moments psychologiques, et nous obtenons un film plutôt palpitant, intéressant et spectaculaire. De là à prendre l’avion à New-York un jour glacial dans un ciel encombré d’oiseaux…
Sauf en A320
Les dernières images montrent les véritables protagonistes, ce qui replace le film dans la réalité, convenant ainsi le temps du générique son aspect documentaire. Hommage est alors rendu à tout l’équipage, aux aiguilleurs, aux ferries, aux pompiers de New-York… Le douloureux souvenir du 11 septembre n’est pas loin. Notons un hommage manquant, celui qui aurait dû décemment être rendu à Airbus Industries, dont l’A320, contre toute attente, ne s’est pas désintégré en touchant les flots. Il ne fallait évidemment pas offusquer Boeing…