Un expo multi-supports
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| Emeute - Gravure de Käthe Köllwitz |
Révoltes, émeutes, agitations, manifestations… constituent le thème abordé jusqu’au 15 janvier au Jeu de Paume. Est exposée une sélection d'œuvres de toute nature : peintures, films, affiches, documents, nombreuses photos… Une importante rétrospective qui occupe la totalité des salles. On peut se souvenir qu’en 1789 au Jeu de Paume de Versailles les députés des trois ordres s’étaient soulevés et avaient fait le serment d’écrire une nouvelle constitution.
Soulèvements pris au pied de la lettre
L’exposition est intitulée Soulèvements, choisis parmi ceux de l’histoire revendicative des siècles derniers. C’est sans doute l’idée la plus intéressante de l’expo que de prendre ce titre au mot, en abordant ces révoltes par les gestes d’élévation qu’elles suscitent. Images de lever de drapeau ou de dressage de banderoles, de jet de pavés, tir de balles, escalade des forteresses, poings brandis, déploiement des corps…
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| G.Caron -Manif. anticatholiques D.Adams - Patriot A. Korda - El Quijote de la Farola |
Soulèvements pris au pied de la lettre donc. Cela illustre bien l’envol des idéaux défendus par les insurrections. La révolte s’affiche en tant que mouvement, geste, dynamique, elle
devient visuelle et esthétique : c’est tout ce qu’on attend d’une exposition.
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| Agusti Centelles - Barricades |
Un sacrement nouveau
Cette mise en valeur des images peut parfois sembler trop entière. Dans l’ « Homme révolté », Camus écrivait : « Il ne peut y avoir pour l'esprit humain que deux univers possibles : celui du sacré et celui de la révolte. ». Les choix de l’accrochage nous font entrer de fait dans ces deux univers : traitant le thème de la révolte par l’émotion des images, l’exposition est vite emportée dans un certain lyrisme, et en vient à hisser l’acte du soulèvement au rang d’un sacrement nouveau.
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| F. Valloton - La charge Ruth Berlau- Grévistes Tina Modotti- Paysans lisant El Machete |
Sans doute parce que les œuvres exposées sont fortes, parce qu’elles évoquent certains moments graves de l’Histoire, des tournants qui ont nourri les grands espoirs des hommes.
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| Oiticica & Katz - Encuentros de Pamplona |
Une glorification du soulèvement semblant dénué de recul historique
D’une image à l’autre, une certaine atmosphère rouge d’insoumission règne donc dans les salles.
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| Gérard Fromanger - Drapeau J.L. Moulène - La Pantinoise |
Le choix, un peu daté, a été d’exposer les manières usuelles de protestation, rituelles presque. Mais de ne pas aborder les plus actuelles : WikiLeaks, mouvements revendicatifs locaux, forums de discussions sur le Net, etc… L’historien de l'art Georges Didi-Huberman est le commissaire de l’exposition. Il a structuré l’expo en cinq étapes : Éléments, Gestes, Mots, Conflits et Désirs. De jolis titres. Mais de salle en salle se confirme la première impression : celle d’une unanimité de la célébration, d’une glorification du soulèvement dénuée de recul historique. L’éloge artistique du geste ne saurait suffire lorsqu’on connaît les conséquences de certains mouvements populaires. Il y a eu la Terreur, le régime stalinien et les fascismes ont été un temps largement supportés par les peuples.
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| Jasmina Metwaly - Tahrir Square |
Il y a les islamismes violents en réaction aux printemps arabes, et l’expo ignore les manifestations diverses des courants populistes d’aujourd’hui qui renouent avec les idées d’exclusion.
Ainsi, un certain romantisme de la rébellion des peuples finit par nuire à la lucidité du jugement. L’humanité a souvent avancé en se soulevant, mais cela a parfois très mal tourné. Ambiguïté des émotions… On aurait aimé trouver dans les commentaires, au moins en filigrane, ce qu’avait affirmé Camus : « Ce n'est pas la révolte en elle-même qui est noble, mais ce qu’elle exige. Même si ce qu’elle obtient est encore ignoble ».
L’expo n’en reste pas moins très
intéressante, de par la variété, le volume et la qualité des œuvres présentées.
