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samedi 26 novembre 2016

Le client - Film franco-iranien de Asghar Farhadi


Comment ne pas dévoiler l’intrigue ?

Il est difficile d’évoquer l’intérêt du film sans dévoiler tout ou partie du scénario, tant son intensité dramatique est signifiante. Ainsi, si vous l’avez déjà visionné, vous pourrez parcourir cette critique jusqu’à son point final. De même si ­vous êtes assuré de ne jamais le voir. Mais tous les autres ne devront pas dépasser la limite de ce texte indiquée par un STOP bien visible et catégorique.


Tout s’écroule


Le film s’ouvre sur une métaphore assez grossière : celle d’un immeuble qui s’écroule sous les coups de pelleteuses d’une modernité non assumée. C’est la première lézarde que Farhadi nous montre de la société iranienne d’aujourd’hui. En suivront bien d’autres, celles qui vont affecter la vie d’un jeune couple dans cette société fêlée parce que trop rigide. Un couple, elle Rana et lui Emad, pourtant ouvert, qui semble a priori sorti des pesanteurs traditionnelles. Mais elles sont bien présentes et un événement va révéler à quel point. Le film se déroule dès lors avec une inexorable intensité dramatique, oscillant entre thriller psychologique et film sociétal, démontrant séquence après séquence toute l’aliénation d’un corps féminin trop enfermé dans ses voiles et dans de vieux principes de domination masculine. Mais STOP, déroulons davantage le fil du sujet. Divulguons...

Amour et amour-propre

C’est un viol que Rana a subi, même si le film ne le dit jamais explicitement, tout comme le fait est tu par tous, femme et mari, voisins, amis. Le viol est su, mais il est inavouable. Pourquoi ?... Pour ne pas affecter encore la souffrance de la femme ? Pour évacuer son traumatisme ?... Ne rien dire pour la laisser respirer, en attendant qu’elle quitte son bandage semblable à un voile supplémentaire ? Non, ce n’est pas la femme victime qui importe. Le viol est camouflé parce que ce qui est souillé, c’est l’honneur de la famille, et par là même la dignité et la réputation de son chef. L’orgueil du mâle prend alors inéluctablement le pas sur toute appréciation raisonnable des circonstances. La salissure devient peu à peu plus sociale que personnelle, et l’amour laisse doucement la place à l’amour-propre. Tout se passe comme si c’était l’homme qui avait été violé. Et c’est sa vengeance obtuse qui va dès lors tendre le drame et le mener inexorablement vers le malheur.

L’aliénation de tous

Tout en finesse, le film montre ainsi une société où le corps de la femme trop couvert et contraint mène à l’aliénation de tous. Là où le moindre contact involontaire dans un taxi confine à l’attentat aux mœurs, là où la nudité et la sensualité trop rares entraînent un brave ( ?) pépère à la tromperie et au viol abject. Dans un pays où, sous le poids des vieux usages toujours vivants, tout peut vite s’écrouler comme un vieil édifice. Comment ne pas voir que seule l’attitude subtile, tolérante, raisonnable, pacifique de la femme pourrait lui ouvrir un avenir moins sombre ?