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samedi 19 novembre 2016

Expo au Grand-Palais - Mexique 1900-1950, Diego Rivera, Frida Kahlo, Orozco et tant d’autres …

Comment l’art parvient à construire un récit national : voilà ce que montre l’expo Mexique 1900-1950 au Grand Palais.

Quelle conscience nationale apaisée pouvait-on écrire sur une histoire aussi dramatique que celle du Mexique ? Quels mythes mettre en avant sur un fond ethnique et social si éclaté ? L’Histoire a la mémoire longue et le for intérieur du pays n’a jamais oublié les civilisations indiennes conquises par l’Espagne en 1521. Olmèques, Toltèques, Zapotèques, Mayas, Aztèques vivent encore. On les revoit dans les vieilles pierres de Palenque ou de Teotihuacan, dans les figures de jade et d’obsidienne, sur les motifs des textiles et des fresques murales. Et le métissage n’a pas dissout la présence indienne, encore bien visible, aussi bien dans les villages reculés en montagne que sur les modernes avenues du Mexique d’aujourd’hui.

Alors comment forger un mythe national sur un fond si disloqué ?


Comment, au début du XXème, intégrer 300 ans de colonisation espagnole, une guerre d'indépendance, puis un demi-siècle d'instabilités politique et sociale, plusieurs guerres opposant le pays en gestation aux États-Unis, à la France, à lui-même ? Comment assembler ces terribles éclats pour reconstruire un sens commun ?

Parcourant les salles du Grand-Palais, sous nos yeux la réponse est exposée : d’une toile à l’autre, d’un film à une sculpture, se réécrit le grand roman fondateur de la Nation mexicaine.



Diego Rivera – La Molendera

Scène traditionnelle d’une femme en train d’étendre des tortillas sur une pierre volcanique, le metate.


Le maïs est l’aliment de base et constitue
une référence ancestrale.



Orozco – Indiennes



La femme indienne comme solide référence esthétique, 



Toujours debout malgré la violence qui lui est faite par la Conquista. Une part essentielle du discours national mexicain.







Diego Rivera – Vendeuse d’arums

À plusieurs reprises dans sa carrière, Diego Rivera prend comme thème de ses toiles le bouquet d'arums. 
Les arums sont omniprésents dans les rues de Mexico et dans les fêtes populaires. Prétexte d'une scène quotidienne pour afficher et affirmer l'âme rêvée du peuple mexicain.
Octobre 1910, éclate ce que Frida Kahlo appellera une «guerre brève et furieuse ». Deux chefs la dirigent, Emiliano Zapata, héros populaire, chef d’une armée de paysans, et Pancho Villa, vacher devenu Général. Les affrontements opposant ces deux groupes rebelles et l’armée régulière dureront dix ans, plongeront le pays dans un bain de sang. Cette révolution est vite mise en scène par les artistes de l’époque et les Mexicains vont y discerner racines et traditions, comme le dit Octavio Paz, « afin de marquer le début d’une autre histoire ».


Tina Modotti – Guitare, cartouchière et faucille

Photographie illustrant une annonce pour une chanteuse communiste.

La guitare retournée ne chante pas… Primauté donnée à la révolution des peones.



Dans Viva Mexico, Eisenstein met magnifiquement en images la révolution mexicaine. 



Frida Kahlo et Diego Rivera s'ancrent dans ce Mexique révolutionnaire, dans un nouvel élan national. 

Dans son journal, Frida écrira : « Je suis très inquiète au sujet de ma peinture. Comment la transformer pour qu’elle devienne utile au mouvement révolutionnaire. »



Frida Kahlo- Mi nana y yo

Frida nourrie au lait indien de sa nourrice, tout comme le pays. 
Le visage de la nourrice Nana est remplacé par celui d'une idole olmèque, à l'image des statues de cette ancienne civilisation précolombienne que Frida collectionnait.

Diego Rivera
LE MURALISME Cet art caractéristique du Mexique a trouvé ses lettres de noblesse dans les années 20. Tout commence à Mexico avec Rivera, Siqueiros et Clément Orozco. Le Palais National à Mexico, ou plus généralement les bâtiments administratifs, sont décorés de fresques relatant l'histoire du pays et les événements qui l'ont jalonnée.


Ruiz « El Corcito » - L’été


Toile peinte en 1937… Certes la révolution n’a pas résolu tous les problèmes de démarcation ethnique ou sociale, et l’utopie nationale semble orpheline.



Angel Zarrraga – La frontière septentrionale du Mexique

Toile de 1937, préfigurant les murs séparant de nos jours Mexique et USA.

Ce mur que le nouveau Président Trump veut aujourd’hui étendre : "Je construirai un grand, grand mur à notre frontière sud, et je ferai payer ce mur par le Mexique".

Les Mexicains qui, pour lui, « apportent de la drogue, apportent du crime, sont des violeurs..."






Les Mexicains peuvent-il encore échapper à l’américanisation 

« Le projet mexicain des temps modernes fut inauguré par la Conquista, poursuivi par l’Indépendance, puis la Revolucíon. Cependant, le personnage symbolique du guerrero à cheval sous son sombrero, à l’image de Zapata et Pancho Villa, laisse la place à celui du narcotrafiquant, comme « El Chapo » Guzman, le plus puissant des parrains mexicains. La corruption gangrène le pays entier au point qu’on le désigne désormais comme un Narco-État. 
Les Mexicains, du fait de leur situation géographique, peuvent-il encore échapper à l’américanisation qui gagne toutes les sociétés via les conglomérats médiatiques et les accords commerciaux ? Le Mexique va-t il suivre la voie de l’acculturation ? »

Gageons que les références et les mythes bien mis en place par tous les artistes exposés au Grand-Palais seront assez forts pour en préserver encore le pays. 
L’expo ferme ses portes le 23 janvier.