Onglets

samedi 26 novembre 2016

Le client - Film franco-iranien de Asghar Farhadi


Comment ne pas dévoiler l’intrigue ?

Il est difficile d’évoquer l’intérêt du film sans dévoiler tout ou partie du scénario, tant son intensité dramatique est signifiante. Ainsi, si vous l’avez déjà visionné, vous pourrez parcourir cette critique jusqu’à son point final. De même si ­vous êtes assuré de ne jamais le voir. Mais tous les autres ne devront pas dépasser la limite de ce texte indiquée par un STOP bien visible et catégorique.


Tout s’écroule


Le film s’ouvre sur une métaphore assez grossière : celle d’un immeuble qui s’écroule sous les coups de pelleteuses d’une modernité non assumée. C’est la première lézarde que Farhadi nous montre de la société iranienne d’aujourd’hui. En suivront bien d’autres, celles qui vont affecter la vie d’un jeune couple dans cette société fêlée parce que trop rigide. Un couple, elle Rana et lui Emad, pourtant ouvert, qui semble a priori sorti des pesanteurs traditionnelles. Mais elles sont bien présentes et un événement va révéler à quel point. Le film se déroule dès lors avec une inexorable intensité dramatique, oscillant entre thriller psychologique et film sociétal, démontrant séquence après séquence toute l’aliénation d’un corps féminin trop enfermé dans ses voiles et dans de vieux principes de domination masculine. Mais STOP, déroulons davantage le fil du sujet. Divulguons...

dimanche 20 novembre 2016

Mademoiselle : film sud-coréen de Park Chan-Wook *****/5

Revirements


Le film aurait pu s’intituler Revirements, tant ils sont multiples.


Revirements de situations d’abord, au point qu’une seconde partie vient intercéder sur des images de la première. Renversements inopinés entre classes sociales. Pirouettes amoureuses entre genres, qui ne sont plus dès lors ceux que l’on croyait. En plans serrés, beaux retournements de corps, de regards et de langues. Mais aussi basculements de langages entre japonais dominateur et coréen colonisé. Volte-face de personnalités. Revers de fortune. Permutations impromptues de poisons éphémères. Délicats faux semblants se retournant vers les pires perversions sadiques. Hyper-réalisme tournant au soudain baroque…

Un twist constant entre  manipulés et manipulateurs

Tout au long des trois parties du film, tout est twist impensable entre manipulés et

samedi 19 novembre 2016

Expo au Grand-Palais - Mexique 1900-1950, Diego Rivera, Frida Kahlo, Orozco et tant d’autres …

Comment l’art parvient à construire un récit national : voilà ce que montre l’expo Mexique 1900-1950 au Grand Palais.

Quelle conscience nationale apaisée pouvait-on écrire sur une histoire aussi dramatique que celle du Mexique ? Quels mythes mettre en avant sur un fond ethnique et social si éclaté ? L’Histoire a la mémoire longue et le for intérieur du pays n’a jamais oublié les civilisations indiennes conquises par l’Espagne en 1521. Olmèques, Toltèques, Zapotèques, Mayas, Aztèques vivent encore. On les revoit dans les vieilles pierres de Palenque ou de Teotihuacan, dans les figures de jade et d’obsidienne, sur les motifs des textiles et des fresques murales. Et le métissage n’a pas dissout la présence indienne, encore bien visible, aussi bien dans les villages reculés en montagne que sur les modernes avenues du Mexique d’aujourd’hui.

Alors comment forger un mythe national sur un fond si disloqué ?


Comment, au début du XXème, intégrer 300 ans de colonisation espagnole, une guerre d'indépendance, puis un demi-siècle d'instabilités politique et sociale, plusieurs guerres opposant le pays en gestation aux États-Unis, à la France, à lui-même ? Comment assembler ces terribles éclats pour reconstruire un sens commun ?

Parcourant les salles du Grand-Palais, sous nos yeux la réponse est exposée : d’une toile à l’autre, d’un film à une sculpture, se réécrit le grand roman fondateur de la Nation mexicaine.



Diego Rivera – La Molendera

Scène traditionnelle d’une femme en train d’étendre des tortillas sur une pierre volcanique, le metate.


Le maïs est l’aliment de base et constitue

mardi 15 novembre 2016

Le pataouète et les accents de la Méditerranée

Ce pataouète, fatras de tous les accents de la Méditerranée, doit être lâché sans articuler, en mâchant les consonnes avec des cacahuètes, en les gâchant d’un flou épais et brouillon, en ouvrant démesurément les voyelles, comme si les mots n’avaient d’importance que par leur barouf fanfaron, leur sens ne comptant guère. Y’a des tas de consonnes qu’elles seraient trop fatigues à prononcer : comme les L, les G, les V…
Oilà, ça veut dire voilà. Réar, ça veut dire regarde, et pour articuler capable sans passer la journée dessus, on dira capab’. De toute façon, une bonne tape dans le dos, ça suffit pour dire au copain qu’on l’aime bien, qu’on est simplement heureux avec les olives, les anchois, un verre d’anisette Limiñana et une poignée de bliblis...

Penser ?

 Et oilà ! Ici à Bab el-Oued, notre vie quotidienne se passe de vocabulaire précieux. Penser? Penser à quoi?... On croit vaguement en un Dieu vaporeux et barbu, sorte de papé installé sur son nuage à regarder passer les gens. Le rôle attribué à son bon Fils – celui qui croise les bras au dessus des lits matrimoniaux, le petit Jésus – est surtout de protéger la santé de la famille. Malgré qu’il est maigre comme un

dimanche 6 novembre 2016

L’expo Hergé au Grand Palais : le monde de Tintin


Panoramique d'une grande fresque couvrant toute une salle de l'expo

Voyages

Est-t-il possible de voyager de Shanghai à Caracas, de Syldavie au Congo colonial, du désert d’Arabie aux neiges du Tibet, jusque sur la Lune, le tout sans quitter Bruxelles ? Oui, c’est tout à fait faisable ! Il suffit de lire les albums de Tintin, de les relire, ou encore de passer quelques heures au château de Moulinsart, pardon, au Grand Palais.
Trois conditions requises pour ce dernier choix : avoir de 7 à 77 ans (à moins de s’appeler Michel Serres qui affirme avoir une dispense), être un tant soit beaucoup tintinophile (sans toutefois forcément aller, comme Pascal Bruckner, jusqu’à connaître les immatriculations des navires et des voitures), se transporter à Paris-Concorde (une broutille pour qui veut prendre pour modèle notre globe-trotter) et s’acquitter de la somme peu modeste de 14 €. Mais enfin, 14 € pour franchir tant de kilomètres en hydravion, train d’altitude, cargo esclavagiste ou fusée intersidérale, ce n’est pas le Pérou.

À la rencontre de fameux personnages


Parcourant les dix salles de l’expo, on tombe sur une kyrielle de célébrités mondiales.

Tintin d’abord, le justicier puceau (M.Serres), l’enfant de la bulle (M.Daubert) , le fils Courage sans parentèle, l’ado rien du tout (ce que signifie tintin) qui pourtant peut remuer le monde.

Milou, le fox-terrier arachnophobe, fan de whisky, amateur d’os. N’ayant qu’une gueule unique (pardon, qu’une bouche, puisqu’il est doté de parole), il est arrivé que l’héroïque Milou délaisse un beau spécimen à moelle pour pouvoir rapporter le spectre du roi Muskar XII. Il semblerait qu’à ce jour, Milou soit le seul chien promu Chevalier dans l’ordre du Pélican d’Or syldave.


Le capitaine Haddock, Archibald de son prénom, mille sabords, toujours entre deux

mercredi 2 novembre 2016

Ceci est une exposition : Magritte au Centre Pompidou

Trahison des images


Comme l’affirme sans risque la brochure de l’expo, les représentations du monde que le peintre nous donne sont trompeuses, énigmatiques. Magritte l’a bien dit : « Je veille, dans la mesure du possible, à ne faire que des peintures qui suscitent le mystère… ». Décalage entre l’objet et sa représentation, Trahison des images en effet. 

Magritte : « Qui pourrait fumer la pipe de mon tableau ? Personne. Alors ce n'est pas une pipe. »

Adepte du comique de répétition, Magritte a intitulé une de ses dernières œuvres « Ceci n'est toujours pas une pipe ».

Magritte : un incorrigible plaisantin ? Comment vas-tu…yau de poêle ?

Ambiguïté, burlesque, dérision… En un mot, humour.

J’ai entendu à l’expo le rire jovial d’un enfant en contemplation devant l’improbable locomotive de « La durée poignardée ». Le non-sens de cette fumante sortie du tunnel dans un salon bourgeois bien ordonné sonne comme un énorme gag, et m’a fait penser à