L'exposition « Branco Luz » de la plasticienne Joana Vasconcelos investit jusqu'au 24 mars les larges espace du magasin Le Bon Marché à Paris.
Du premier étage du Bon Marché
L'artiste portugaise a imaginé « Simone », une surprenante et immense créature immaculée suspendue sous les verrières. Simone est présentée comme une Valkyrie, figure mythologique récurrente dans l’œuvre de Joana V. Le prénom a été choisi en hommage à Simone Veil et à Simone de Beauvoir.
Détail du traitement des tissus
Vue depuis le deuxième étage
Dans un quartier bien plus populaire de Paris, à la porte de Clignancourt, la dernière œuvre de l'artiste a été inaugurée pour la Saint-Valentin 2019. Il s'agit d'un cœur géant composé de 3 800 carreaux peints à la main.
Joana Vasconcelos est née en 1971 à Paris. Elle vit et travaille actuellement à Oieras tout près de Lisbonne. L’idée fondamentale de sa production est de sortir de leur contexte des objets parmi les plus banals. Se situant dans la tendance du Nouveau Réalisme et du Pop Art, l'artiste nous livre une vision originale de la société, souvent satirique, caustique. Les problématiques évoquées touchent la consommation, le statut de la femme, l'appartenance territoriale. Le plus souvent, cela évoque d'intéressantes dichotomies comme artisanat / industrie, tradition / modernité, culture populaire / culture savante, différenciation des classes…
Exposé à Versailles, Marylin était un escarpin construit avec des couvercles de casseroles
Un humour omniprésent
Des sculptures aux formes baroques et aux dimensions pantagruéliques, cela confère aux travaux de Joana V. un aspect humoristique certain. D'autant que ces œuvres transgressives, souvent farfelues, sont réalisées avec une maîtrise esthétique parfaite et que les installations sont faites au sein de lieux inattendus : magasins de luxe ou musée, château. Le contraste se révèle facétieux, et il frôle parfois la farce, le pied de nez. Voilà ce que Joana dit de ses Valkyries !
Dans les ors de Versailles, ce Lilicoptère de plumes d'autruche
Une production prolifique
Aujourd'hui Joana V. expose à Paris. Ces deux dernières années, elle a exposé à Strasbourg, à Toulon, au musée Guggenheim de Bilbao, à Pékin, à Lisbonne. En 2013 elle représentait le Portugal à la Biennale de l'art de Venise. En 2012 elle investissait le château de Versailles. À chaque expo, débordante d'énergie, l'artiste a présenté des œuvres originales adaptées au lieu et au sens recherché.
Dans les jardins de Waddesdon Manor, lors de l’exposition Sculpture in the Gardens, 2012
Dans de nombreux lieux d'Europe, elle a mis en place des œuvres isolées, comme le montre cette planisphère.
Comment tant produire ?
Derrière Joana travaille une équipe d'une trentaine de personnes spécialisées : architectes- ingénieurs, designers, couturières, brodeuses… Selon les matériaux choisis, il faut pour chaque œuvre mettre au point une technique particulière d'élaboration. Les tissus, les fils, le plastique le verre, la céramique, l'argile, le métal, le marbre… le monde des matériaux utilisés semble sans limite.
Humains cerclés
Call Center se présente sous la forme d’un énorme revolver Beretta construit
avec l’accumulation de 168 téléphones fixes noirs
Quelques vaines polémiques
L’œuvre de Joana Vasconcelos a parfois donné lieu à polémique. Pour certains critiques, «son travail s’apparente à de la décoration, qui peut être jolie, sympathique, parfois étonnante, mais sans profondeur » (Vincent Noce, Libération). Peut-être y a-t-il un peu de mépris misogyne sous-jacent dans le jugement ?
Selon certains, cet art serait trop peu conceptuel… Je serais tenté de retourner la critique : il y a un art contemporain qui se dit conceptuel, alors qu'il est juste impénétrable. Dans le cas de Joana Vasconcelos, le grand public ne s'y trompe pas : il apprécie ses œuvres et il semble y retrouver assez de captivants concepts constitutifs sous une apparente légèreté de bon aloi. Trop féminine ?